Dans le calendrier des festivités de fin d’année de la Mairie de Surgères était inscrite la Crèche vivante. Un gros bébé joufflu veillé par sa maman voilée de bleu et son papa à la barbe fleurie devait y vagir à l’aise entre le bœuf et l’âne gris. L’École de musique de la rue Maurice Barcou aurait prêté quelques élèves et leurs flûtes à bec pour jouer les bergers flûtant au clair de lune, et Mlle Machepraut aurait secoué son tambourin tandis que les rois mages, habillés par Défi Mode, se seraient avancés en procession jusqu’au porche roman de l’église Notre-Dame. Dans la douceur de Noël, Surgères la moyen-âgeuse aurait ainsi offert à ses 6 446 habitants comme un air de mystère religieux.

Pour que le petit Jésus n’attrape pas une fluxion de poitrine, Monsieur le maire avait proposé d’installer l’étable sous la halle. Là où l’on fait la foire, là où l’on vend trois fois la semaine le fromage de chèvre et les fruits de mer. Mal lui en prit car la République veillait au tournant : pas de bondieuseries sous la charpente communale !

Les militants de la Libre pensée de Charente Maritime – fort nombreux comme on l’imagine à Surgères – ont donc écrit à Monsieur Guilloteau, le maire, qui est allé voir le curé, qui s’est dégonflé derrière son col romain (j’allais dire dans sa soutane, mais il est évident qu’il n’en porte pas). Annulée, la crèche vivante ! Le petit Jésus est retourné dormir dans son couffin, et le bœuf et l’âne ont regagné l’étable avec les enfants de l’École de musique. Tant pis pour eux et tant pis pour les touristes qui, à Surgères comme dans tant d’autres cités historiques, aiment à mélanger tourisme et traditions. Et la « tradition » fondatrice de Noël, c’est, n’en déplaise aux libres penseurs… la naissance de l’enfant Jésus.

Les Libres penseurs ne sont pas tous penseurs, souvent encore moins libres. Pour ceux que je connais, ils appartiennent plutôt au genre buté-borné, bouffeurs de curé à œillères et front de bœuf. Pourtant, si l’on s’en tient aux principes auxquels ils se réfèrent, leur philosophie est parfaitement défendable qui prône « le vrai par la science, le bien par la morale et le beau par l’art ».

Mais il se trouve qu’à Surgères encore plus qu’ailleurs, l’art est d’inspiration religieuse. La ville s’est développée, depuis l’aube du XIe siècle, autour de l’église Notre-Dame – chef d’œuvre de l’art roman –, du Prieuré Saint-Gilles et de son hospice. Les pèlerins s’y arrêtaient en nombre sur la route de Compostelle. C’est une tradition qui pèse plus lourd dans l’histoire des hommes que de se réunir le Vendredi saint pour bouffer du boudin, même en chantant l’Internationale le poing levé.

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28 décembre 2012

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