En 2107, il s’agissait pour Emmanuel Macron d’être « disruptif » et de « faire bouger les lignes », pour reprendre la vulgate d’alors. D’où ce néo-populisme d’en haut, censé fédérer, au-delà de la droite et de la gauche, les classes dirigeantes du pays. Trois ans après, que reste-t-il des velléités de transformer une France plus que millénaire en « start-up nation » ? Rien.

Car entre-temps, les manifestations des gilets jaunes et des retraités, puis l’épidémie du coronavirus, sont venues lui rappeler qu’un gouvernement n’est pas un conseil d’administration et que présider, ce n’est pas « faire le job ». Ce, d’autant plus que la perspective d’un second tour à la prochaine élection présidentielle avec Marine Le Pen semble être de plus en plus d’actualité. D’où l’inquiétude des stratèges de l’Élysée qui savent bien que ce duel n’est pas forcément plié d’avance, comme il y a cinq ans, pour peu que la crise économique et sociale continue de s’aggraver.

Alors, devant la colère qui gronde contre ce Président à la fois hautain et lointain, quoi de mieux que ce nouveau gouvernement ? À Matignon, un Jean Castex, à droite juste ce qu’il faut mais pas trop, et surtout fort d’un accent du terroir qu’on pouvait croire jusque-là réservé à Jean Lassalle ou Louis Aliot. Voilà qui fait peuple à peu de frais…

À la Justice, un Éric Dupond-Moretti, la grande gueule qu’on sait. Qui, en 2015, demande l’interdiction du Rassemblement national pour, ensuite, trois ans plus tard, prendre bille en tête les féministes de #MeToo : « Il y a aussi des follasses qui racontent des conneries et engagent l’honneur d’un mec qui ne peut pas se défendre, car il est déjà crucifié par les réseaux sociaux. […] Comment fait-on pour rouler un patin, aujourd’hui ? On adresse un courrier recommandé avec accusé de réception et on attend la réponse ? » Une prouesse du « en même temps » qui peut en effet séduire la France qui se lève tôt, de droite comme de gauche.

À la Culture, une autre créature médiatique, Roselyne Bachelot, dont le franc-parler et l’humour font merveille chez « Les Grosses Têtes« » de Laurent Ruquier, sur RTL, l’une des émissions les plus populaires de France. Mieux : le Covid-19 lui a permis de se remettre politiquement en selle.

De toute manière, ces deux-là ne pourront pas faire pire que leurs prédécesseurs respectifs. Tout comme Gérald Darmanin, à l’Intérieur, ne pourra que faire mieux qu’un Christophe Castaner, au même titre que Gabriel Attal en lieu et place de Sibeth Ndiaye en tant que porte-parole du gouvernement.

Histoire de couronner le dispositif, Jean Castex annonce que François Bayrou pourrait bientôt se voir confier la direction d’un commissariat au plan censé incarner une ébauche de retour au souverainisme économique. Cette promotion participe de la même logique, l’homme étant rassurant et pas loin d’être lepéno-compatible. Les grands perdants de ce jeu de chaises musicales, ce sont évidemment les macronistes, priés d’aller marcher ailleurs voir si le Président y est. Mais également Les Républicains, à en croire Camille Pascal, conseiller de Nicolas Sarkozy, cité par Le Figaro du 7 juillet dernier : « Emmanuel Macron a réussi à réunir quasiment tous les courants de la droite. »

Quant au PS ou ce qu’il en reste, il n’entre même plus dans l’équation, Olivier Faure ayant déjà fait savoir qu’il se rangerait derrière une éventuelle candidature écologiste.

Ainsi, tout semble se mettre en place pour anticiper l’échéance électorale majeure, la dernière où les Français vont encore voter : l’élection présidentielle. Ou de l’art de tout mettre en œuvre pour que le duel annoncé ait bel et bien lieu et d’assurer le second tour plus haut évoqué en concurrençant Marine Le Pen sur son terrain de prédilection, le patriotisme économique et la proximité avec le peuple qui souffre.

On imagine que l’état-major du Rassemblement national réfléchit déjà à cette configuration nouvelle.

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08 juillet 2020 à 18:00

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