Le 14 décembre 2021, le Times rapportait les propos d’un ancien commandant général des Royal Marines, Robert Magowan, qui reconnaissait que les prestigieux commandos britanniques avaient mené des opérations spéciales en Ukraine dans un « environnement extrêmement sensible » comportant « un niveau élevé de risque politique et militaire ».

Une guerre secrète qui vient s’ajouter à celle menée bien plus ouvertement par les milliers de combattants étrangers qui ont rejoint l'Ukraine pour se battre contre l’armée russe. Au printemps et en septembre derniers, le New York Times avait également évoqué le rôle joué par les services de renseignement américains pour planifier la contre-offensive ukrainienne et pour aider à tuer des généraux russes. Une accumulation de révélations qui avait contribué à renforcer, en Russie, le sentiment que cette guerre n’était plus menée contre le régime de Kiev mais contre l’OTAN.

Les récentes déclarations du secrétaire général de l’Alliance atlantique ne risquent pas de remettre en question cette perception. Lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision norvégienne NRK, Jens Stoltenberg a en effet déclaré que la guerre en Ukraine pouvait potentiellement se transformer « en une guerre majeure entre l'OTAN et la Russie ». Le 11 octobre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse au siège de l’organisation à Bruxelles, il avait déjà insisté sur le fait que, de son point de vue, une victoire de la Russie serait non seulement une défaite pour les Ukrainiens mais aussi pour les membres de l’Alliance.

À quelles conditions cette guerre pourrait-elle alors se transformer en une guerre plus large impliquant directement l’OTAN ? Mystère. Pour autant, la menace a été brandie et nous aurions tort de ne pas prendre au sérieux ce risque d’escalade.

En octobre dernier, dans les colonnes de L'Express, David Petraeus, ancien général de l'armée américaine à la tête de la Force internationale en Afghanistan et ancien directeur de la CIA, évoquait une autre option possiblement sur la table à Washington : l’engagement direct en Ukraine d’une « force multinationale dirigée par les États-Unis ». À quelles conditions ? Là encore, mystère. Cette « coalition of the willing » (coalition de volontaires) évoquée outre-Atlantique permettrait cependant de contourner la frilosité de certains membres de l’OTAN et de prendre appui sur ses éléments les plus bellicistes.

L’annonce, en juin dernier, de l’établissement d’un quartier général permanent des forces américaines en Pologne et le déploiement de la 101e division aéroportée américaine, les « Screaming Eagles », en Roumanie, près de la frontière avec l'Ukraine, avaient déjà alimenté bien des conjectures aux États-Unis. En Europe, les médias ne sont pas en reste. Le journal Le Monde n’hésitait pas à écrire, le 11 décembre dernier, que le déploiement par la France de chars Leclerc en Roumanie s’inscrivait « dans la volonté de prévenir une extension du conflit, tout en se préparant à une éventuelle confrontation "de haute intensité" avec la Russie ».

Politique fiction ? Peut-être pas, si l'on considère qu’actuellement, aucun camp n’est prêt à faire de concessions territoriales et surtout que, du point de vue russe, la conquête des quatre oblasts ukrainiens revendiqués ne résoudrait pas le fond du problème : le maintien à Kiev d’un régime hostile « antirusse », armé par l’OTAN, reconstituant progressivement ses forces et susceptible de reprendre plus tard les combats. Une sorte de « Minsk 3 », alors que l’ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, reconnaissait récemment que les accords de Minsk avaient permis à l’Ukraine de gagner du temps et de se renforcer.

Dans ces conditions, qui semblent fermer la porte à la négociation, que feraient les Américains et leurs alliés face à une contre-offensive russe couronnée de succès qui mettrait en péril le régime de Zelensky ? La tentation ne serait-elle pas grande d’entrer en Ukraine afin de sécuriser sa partie occidentale ? Peut-être pas pour engager directement les Russes, mais plutôt pour s'établir comme une sorte de force d’interposition et imposer un cessez-le-feu. Une hypothèse à très haut risque.

Le 29 novembre dernier, le vice-ministre de la Défense polonais, Marcin Ociepa, lors d'une conférence à Cracovie, s’interrogeait : « Quelle est la probabilité d'une guerre à laquelle nous participerons ? Très élevée. Trop élevée pour que nous ne traitions ce scénario que de manière hypothétique. » Du côté de l’OTAN, la guerre, paraît-il, personne n’en veut mais tout le monde y pense.

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15 décembre 2022 à 12:39

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35 commentaires

  1. Je me demande si les principaux dirigeants de la planète ne se disent pas que finalement; les choses vont si mal à tous les points de vue, qu’il vaut mieux tout faire péter maintenant et reconstruire comme en 1945 un autre monde sur les ruines atomiques

  2. Il est certain, malgré leurs démentis et leurs commentaires doucereux, que les dirigeants occidentaux nous conduisent vers un conflit majeur, recherché, à petits pas certes, mais évident. Les têtes bien faites et le commun des mortels ne peuvent ignorer ce constat : les sanctions pénalisent de plus en plus profondément l’évolution de l’Europe, malgré tout, ils persistent dans leurs erreurs, par orgueil, sous pressions des Etats Unis. Ils enrichissent de plus en plus l’armée ukrainienne en armement sophistiqué jusqu’à infiltrer des experts. Le jour où la goutte fera déborder le vase, nous aurons ce conflit majeur. A ce jour, nous devons cette progression lente vers la dérive à une certaine sagesse de Poutine, lequel ne réplique pas outrageusement aux provocations occidentales. Il prépare certainement sa riposte (pensez au jeu d’échec). Au bilan, l’Amérique sera la grande gagnante et nos petits dirigeants européens n’auront que leurs yeux pour pleurer et se lamenter. Destruction massive de l’Europe, production et commerce à plat, pertes humaines, restrictions, un retour aux années d’après 45. Le plus remarquable et le plus insupportable, la majorité de nos médias accompagne cette dérive vers le conflit majeur, sans aucune réaction d’opposition. Ces médias semblent heureux que leurs enfants devront se sacrifier sur les champs de bataille.

  3. Ce que racontent les anciens- çi et les ex-çà est intéressant car ces gens sont dénués de craintes et assez libres dans leurs propos, mais ils ne sont plus aux manettes et n’ont plus accès aux décisions et complots du moins directement.
    Ils sont intéressants par leur expérience, mais à ce titre ceux qui, comme moi, suivent l’actualité politico-sociale finissent par avoir une culture géo-politique s’ils ont un bagage ad hoc, lisent et observent. Je suis assez politologue pour savoir que toutes les armées du monde préparent la guerre et font des plans. Moi-même, pas belliciste pour un sou, je vois bien qu’il est tentant de passer à l’acte sur St Petersbourg proche de la Finlande, Kaliningrad proche de la Pologne et l’Ukraine occidentale proche de la Pologne et de la Roumanie qui ouvrirait les bras comme en 1941.Un peu de géographie, un peu d’histoire, Lviv c’était Lvov du temps de la Pologne et….Lemberg du temps austro-hongrois !

  4. Bonjour Ces chers commandos anglais bras armé de Joe ne seraient ils pas aussi impliqués dans le sabotage des gazoducs dont curieusement l’Allemagne pays essentiellement touché n’a pas réagit ? Pour la suite espérons que les républicains qui prendront le pouvoir en janvier aux US mettront un terme à cette fuite en avant

  5. Mais nom d’un chien quand comprendrons nous que l’accès libre à la Méditerranée est une condition non négociable pour la Russie. Soit l’Ukraine reste neutre (comme la Suisse), soit elle accepte d’être gérée comme Andorre (co-principauté). Elle ne peut être membre de l’UE ou de l’OTAN. Tant que cela sera refusé par l’Ukraine il y aura conflit peut-être pendant des siècles. Si les USA atteignent leur objectif -mettre la main sur le commerce mondial des céréales et oléagineux ukrainiens ce qui les rendrait maîtres du monde- la Russie devenant un pays enclavé de fait sera colonisée par l’Est donc par… la Chine. C’est fou comme les USA sont idiots. Dans le même ordre d’idée, la Russie doit avoir un accès libre à Kaliningrad. Je n’y peux rien c’est vital pour elle.

    1. Vous oubliez que la Russie a déjà des ports sur la Mer Noire et que les emmerdeurs ne sont ni les Américains, ni les Ukrainiens, mais les Turcs qui contrôlent tout ce qui passe dans le détroit du Bosphore!

    2. « C’est fou comme les USA sont idiots. »
      Non, je dirais mégalomanes pervers. (bien sur, les dirigeants, pas le peuple)

    3. Elle a un accès libre par la mer et si elle a un accès terrestre, alors nous avons un souci entre la Pologne et la Lithuanie.
      Des tas de pays on une enclave dans le pays voisin sans problème. Je cite les plus proches de nous, une commune espagnole enclavée en France (Llivia), une italienne en Suisse( Campione), une belge aux Pays-Bas ( Baarle Hertog) et si un jour la Géorgie entre dans l’UE il faudra bien y aller autrement que par voie terrestre.

  6. De toute façon les russes gagneront cette guerre. L’Europe (L’OTAN) exitee par les US ira à sa perte si elle continue à se soumettre. C’a ne regarde que la Russie qui est venue protéger le Donbass et la Crimée. La France s’appauvrît en voulant aider l’Ukraine et pénalise les français . De ce fait le gouvernement met en danger la France.

    1. « les russes gagneront cette guerre. »
      Je l’espère, car hier encore, les ukrainonasis, ont depuis le 27 novembre 2022, tiré plus de 2 800 obus et roquettes sur les zones résidentielles de la RPD, en partie avec des armes occidentales, faisant de nombreuse victimes civiles à Donetsk, Gorlovka, Makeyevka, Yassinovataya et Elenovka (C Néant)
      Mme Choutkina a déclaré : « Au cours de ces longues années, plus de 15 000 de nos compatriotes, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées, ont été tués rien qu’en RPD , Depuis le 17 février 2022, les forces armées ukrainiennes ont tué 4 527 civils, dont 154 enfants, et blessé 4 317 personnes, dont 274 enfants ».
      « Les principales cibles des attaques à la roquette sont les dortoirs, les entreprises agricoles, les locaux industriels et les établissements d’enseignement », (Alexeï Getmanski)

  7. Ce sont des fous qui jouent avec le feu. Bien sûr qu’une attaque globale contre la Russie la rayerait de la carte, mais à quelles conditions ? Rien n’est plus dangereux qu’un fauve blessé qui sait qu’il n’a plus rien à perdre. La Russie possède des armes atomiques. Elle est même le pays qui en possède le plus. Elle a aussi des tas de sous marins nucléaires qui patrouillent au fond des océans du monde entier, capables de lancer de n’importe où des fusees à tête multiples. Toutes n’atteindraient pas leur but, mais combien y réussiraient ? Que serait une victoire de l’occident si Paris, New York, Los Angeles, Londres et combien d’autres villes importantes étaient détruites ? Une telle situation rendrait les Chinois maîtres du jeu. Les Americains qui menent la danse auraient seraient « vainqueurs », mais moribonds. Quant à la France, n’en parlons pas…

  8. Les Russes (même Poutine) ne sont pas fous : les échecs répétés de leur armée désormais au tiers détruite, l’immensité du territoire à protéger avec seulement 140 millions d’habitants, contre 3 puissances nucléaires de 900 millions de personnes qui les encerclent (leur fameux complexe obsidional) et la montée de la colère du peuple : ils ont intérêt à négocier, à geler le conflit; et les Republicans au pouvoir à la Chambre des représentants y ont intérêt aussi : c’est la ligne trumpiste sans Trump. Quant à Biden il voudra éviter une procédure de destitution (affaire Hunter etc) et négociera avec McCarthy et l’aile gauche des Democrats

  9. La première guerre mondiale s’est déclenchée sur un évènement local, tout bête. Aucun peuple ne la voulait, seuls des dirigeants semblaient la désirer (argent, intérêts divers, montée d’adrénaline). Et elle a eu lieu, l’effet papillon… Biden est un va-t-en-guerre, il peut déclencher l’horreur. Macron a pris un tel plaisir à nous dire : « nous sommes en guerre » et à le répéter plusieurs fois avec des yeux qui brillaient de jouissance, que l’on peut être assez inquiets. Ce général de pacotille, soumis à des bouffées d’orgueil, de rêves de grandeur, peut nous amener à la destruction. Alors, tout peut arriver et nous n’aurons plus à nous inquiéter des augmentations d’électricité et de gaz.

  10. J’ai entendu dire Luc Ferry dire cette semaine « Il faudrait demander à Poutine ce qu’il veut ».
    Les intentions des Russes sont très claires depuis 2007: la guerre contre l’Occident sur tous les fronts, y compris militaires. Au minimum, il s’agit de réduire la largeur des frontières vers l’Ouest à 1 000 kilometres, qui se traduit par une occupation russe jusqu’au bords de la Vistule (et le Danemark dans un deuxième temps), nécessitant une neutralisation des pays de l’OTAN derrière cette ligne, y compris dans les théatres extra-européens. Les vrais moyens militaires pour y arriver ne semblent pas trop préoccuper les Russes: ils trouveront les moyens d’une manière ou d’une autre.
    Une passivité occidentale face à cette solution est possible mais peu probable.

  11. Si un pays envoie sciemment des troupes pour mener des actions belliqueuses contre un autre, c’est qu’il lui déclare la guerre. La Fédération de Russie à certes pénétré en Ukraine, et si cette action doit être condamnée, ce serait à l’ONU d’envoyer une force d’interposition pour y mettre un terme. L’Ukraine n’étant pas membre de l’OTAN, aucun pays de l’OTAN ne devrait donc intervenir. Avec tout ce qui se passe, on ne peut malheureusement que donner raison à Vladimir Poutine qui traite les pays occidentaux de dégénérés. Espérons seulement que les révélations sur Hunter Biden et l’acquisition de la chambre des représentants au camp Républicain aux USA mettent un frein à l’aide de ces derniers à cette guerre.

  12. Il faudrait que Poutine prévienne que toute attaque par les troupes US et des « willing  » sera suivie de frappe contre les US et ses alliés et donc ne sera pas limité à une guerre en Europe.
    Je vois bien Biden vouloir se battre contre la Russie …jusqu’au dernier Européen.

  13. N’oublions pas trop vite LE véritable ennemi bien implanté en France et qui a déjà massacré des centaines de civils innocents dans l’hexagone depuis ces dernières années . Et bizarrement, aucun «  général «  de l’Armee française encore en activité n’a réussi à le nommer , donc pensez bien qu’à le combattre …

  14. Tous ces responsables américains ou autres, y compris européens va-t’en guerre, ne pourraient-ils pas garder le silence? Ce serait beaucoup mieux pour préserver la paix!

  15. Tout ça fait partis du plan mondialiste, pour réduire et soumettre les populations, on voit bien que l otan reptilien fait tout ce qu il faut pour attiser l incendie que Poutine a bien du mal à maîtriser, ils feront tout pour le pousser à utiliser l’arme nucléaire et faire croire que les russes seront les responsables de la 3e guerre mondiale qu ils préparent

    1. S’il y avait une troisième guerre mondiale (vraiment « la der des der »), il n’y aurait plus grand monde pour accuser qui que ce soit. Il n’y aurait plus de livres d’histoire relatant les prouesses héroïques de notre grand président, même plus personne pour dire que Macron a existé. Et posons-nous une question métaphysique : « l’espèce humaine mérite-t-elle de survivre » ?

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