Ukraine : Alexis Corbière a-t-il rompu le secret des opérations en direct ?

corbière

On ne sait pas ce qu'aurait valu, autrefois, la sortie d'Alexis Corbière sur France Info, ce mercredi 9 mars. On frémit à cette idée, d'ailleurs. Il existait, jadis, dans les pays en guerre, des délits et crimes en rapport avec la trahison qui pouvaient aller jusqu'à la peine de mort - mais heureusement, les temps ont changé et nous n'en sommes pas là.

Interrogé par Marc Fauvelle et Salia Brakhlia, le député de La France insoumise a commencé par affirmer que, si Jean-Luc Mélenchon était élu président de la République, il arrêterait immédiatement de livrer des armes à l'Ukraine. Il a ensuite rappelé que, selon lui, « il y en [avait] très peu », c'est-à-dire « des gilets pare-balles et quelques missiles antichar ». Légère stupeur sur le plateau. Le journaliste relance le député en lui demandant s'il a la liste du matériel livré par la France au gouvernement ukrainien. Relativement satisfait, Alexis Corbière répond qu'il siège à la commission de défense de l'Assemblée nationale - sous-entendant que, par conséquent, il est tout à fait au courant. Sentant tout de même confusément qu'il y a un problème dans ce qu'il vient de révéler, et acculé par les questions de Marc Fauvelle (qui, malicieusement, lui demande si tout cela ne serait pas, des fois, couvert par le secret défense), le bras droit de Jean-Luc Mélenchon bat précipitamment en retraite, avec une certaine maladresse. Il n'aurait finalement pas le détail du matériel cédé par la France à l'Ukraine.

 

On ne mesure peut-être pas exactement la portée de ce genre de propos. Depuis que François Hollande a fait le malin en révélant à Gérard Davet et Fabrice Lhomme qu'il avait utilisé les bons offices de la DGSE pour réaliser des opérations « homo », c'est-à-dire faire éliminer des ennemis de la France, on n'en est plus à une compromission près. « Compromission », c'est le nom que donne la loi à la violation du secret défense : un militaire qui transmet des documents classifiés à un Russe, c'est de la compromission. Un fonctionnaire qui oublie un portable crypté dans un Uber, c'est de la compromission. Un Président qui ne devrait pas dire ça, c'est encore de la compromission. C'est presque même de la haute trahison, non ? Et un député qui communique sur les très secrètes « cessions » de matériel français à l'Ukraine, c'est quoi ? Ces cessions ont toujours été monnaie courante, comme les exécutions ciblées, mais sous de Gaulle, par exemple, on n'en parlait pas. Pourtant, les barbouzeries allaient bon train, les dessous de table et les véhicules non immatriculés aussi, mais on tenait sa langue. Il y avait un discours officiel et des actes officieux. Une main qui bouge et une main qui agit. Comme dans tous les pays depuis que la politique existe.

Il y a eu Machiavel, Richelieu, Mazarin, Bismarck, Churchill et même Foccart. Pas vraiment une brochette d'anges, mais des hommes d'État de premier ordre pour la plupart, chacun dans un genre bien différent, et qui connaissaient le poids du secret d'État. Nous avons aujourd'hui des Hollande ou des Corbière qui, pour faire les malins, comme un pauvre type à la fermeture du bar, lâchent des informations classifiées sur le ton de l'anecdote.

Cette maladresse récurrente est-elle le signe d'un désintérêt profond de la classe politique pour le caractère grave de sa charge ? Possible. Faut-il en déduire par ricochet que la politique est devenue un métier d'amateurs narcissiques, ne connaissant pas leurs responsabilités parce qu'ils les confondent avec un simple métier ? Ce serait aller un peu vite en besogne - mais tout de même...

Un grand bravo à Alexis Corbière d'être, décidément, l'un des meilleurs fournisseurs d'anecdotes du petit écran. On attend avec impatience les images volées dans lesquelles on verra peut-être l'un de ses proches insulter les journalistes de France Info, qui n'ont pourtant fait que leur travail - et l'ont plutôt très bien fait.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

54 commentaires

  1. L’accréditation « secret défense  » implique des obligations qui sont clairement exposées à l’impétrant et que celui-ci accepte par écrit. Ne pas les respecter implique ipso facto la perte de l’accréditation et j’imagine pour le député Corbières sont éjection immédiate de la Commission de Défense.

    • Etes-vous sûr que l’accréditation  » secret Défense » est demandée pour siéger dans une commission Défense ??? je croyais que c’était pour les fonctionnaires – et accessoirement contractuels , du ministère …

  2. Il aurait pu être un peu plus discret, à une heure de grande écoute, mais tout cela est un secret de polichinelle; tout comme les armes données aux jihadistes modérés en Syrie: missiles a/c, canons mitrailleurs de 20mm, armement individuel, masques à gaz (c’est considéré comme de l’armement)…… Nous sommes donc devenus des co-belligérants, avec tout ce que cela comporte.

  3. a une certaine époque, la divulgation de secret défense était puni de la peine de mort, en temps de guerre. mais c’est vrai comme le rappel le président « nous ne sommes pas en guerre », juste contre la covid. un miracle c’est produit le virus est mort, plus de masque, plus de pass, nous pouvons boire un café debout, nous pouvons être servi par un personnel souriant, nous pouvons nous déplacer sans autorisation bref le bonheur. comme dans la chanson « merci patron, merci patron, merci patron »

  4. Encore une commission « recyclage » qui ne sert à rien ! Suffit de voir qui y siège.
    Entre autres: Aurélien Taché, Joachim Son-Forget, Gilles Legendre, Jean Lassalle, Richard Ferrand, Alexi Corbière, Christophe Castaner… Que des spécialistes en matière de défense militaire !

  5. Et l’on voudrait croire Macron dans sa soi-disant posture de médiateur entre l’Ukraine et la Russie alors qu’est révélé en direct que la France livre des armes à l’ennemi de la Russie ??? Si 30% des français, selon les sondages, croient à Macron chef de guerre – c’est vrai qu’il est très fort pour contracter ses maxillaires – c’est à désespérer !

  6. Par ailleurs, malheureusement, Corbières a raison quand il dit qu’il ne faut pas envoyer d’armes aux Ukrainiens. Tout d’abord, c’est, qu’on le veuille ou non, une déclaration de guerre à la Russie, indirecte certes, mais une forme de guerre quand même. De plus, la supériorité militaire Russe risque fort, de toute façon, de venir à bout de l’Ukraine, et avec ces armes françaises et européennes, cela va juste retarder le jour fatal, avec plus de morts en prime.

  7. Preuve par 9 que ce monsieur n’a rien à faire dans une commission aussi « touchy », et même peut-être, sur les bancs de l’Assemblée.

  8. De la part d’un militant de La France Insoumise, rien d’étonnant déjà précédemment une élue n’arrivais pas à dire vive la France…. Ils sont et ont toujours été contre les intérêts de la France et des français

  9. Est on certain qu’il s’agisse d’une maladresse ? Il dénonce que Macron livre des armes à l’Ukraine impliquant la France dans ce conflit avec les risques qui en suivront pour nous.

  10. Corbière a peut-être dérape mais le gouvernement encore plus, il y a une différence entre une boulette et l’implication dans un conflit. Qui peut croire que les Russes n’auraient jamais rien su de ces livraisons ?

  11. Communiste un jour, communiste toujours…même si la Russie n’est plus le grand frère de référence !

  12. La France doit être informée par les représentants qu’elle a élu, c’est le propre de toute démocratie. Corbières n’apprend rien à toute personne instruite : la France est dans l’Otan, elle a reconnu avoir envoyé des militaires français vers des bases militaires Otan en Roumanie, donc à la frontière ukrainienne et on comprend que les équipements militaires envoyés ne sont pas en dentelle ! La France participe aux sanctions économiques…Alors le secret d’Etat est un secret de polichinelle !

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