Voilà trois ans que la guerre civile en Syrie a commencé.
Ce qui semblait être une révolution, similaire à celle d’Égypte et de Tunisie, n’en était pas une, même si les débuts y ressemblaient beaucoup. Il était évident qu’un soulèvement de mécontents allait vite se transformer en guerre civile pour une raison très simple : ces derniers étaient d’une communauté différente de ceux qu’ils accusaient de les oppresser.
En effet, depuis 1970, le régime syrien, dictatorial et totalitaire, est tenu par un clan alaouite politico-mafieux. Certes, certains postes sont attribués à des chrétiens, des druzes et des sunnites, mais ce sont des postes symboliques, les titres pompeux, en Syrie, ne correspondant pas forcément aux pouvoirs qu’ils sont censés octroyer ; les Assad ne sont que de bons élèves de l’ex-URSS. Ainsi, le ministre de la Défense peut être chrétien ou sunnite, mais ne décide de rien et est révocable à tout moment. Le vrai ministre de la Défense est son vice-ministre, un alaouite.
Dans les faits, le fonctionnement du régime est fondé sur différents services dits « de renseignement », et qui ne sont que des assassins de haut vol, ayant maintenu le peuple syrien et ses voisins sous surveillance étroite pendant plus de 40 ans, exécutant et torturant au moindre soupçon, sans parler de l’assassinat de notre ambassadeur et l’attentat contre nos soldats au Liban… D’ailleurs, en bon mafieux, il leur est arrivé de s’entre-tuer.
Les chrétiens de Syrie sont donc de vrai dhimmis (citoyens de seconde zone, mais protégés). Leur taux d’émigration sous le règne des Assad s’élève à 30 %, on se demande pourquoi !
Quant aux sunnites (70% de la population), après avoir été matés en 1982 par la garde républicaine du régime au prix de plus de 100.000 morts, le soulèvement de 2011 devait être, pour eux, l’occasion de provoquer la guerre civile en vue de reprendre le pouvoir.
Le clan Assad avait, depuis longtemps, prévu cette situation et développa les régions alaouites en les dotant des meilleures infrastructures comme il dota la garde républicaine des armes les plus sophistiquées, en vue d’une éventuelle partition du pays. Ne perdons pas de vue que sous le mandat français, dans les années 1920, il y eut quatre Syrie dont une alaouite.
Aujourd’hui, le régime est conscient qu’il ne pourra plus rétablir son autorité sur tout le territoire syrien.
Après avoir « nettoyé » les frontières du réduit alaouite, il essaie de se maintenir le plus longtemps possible à Damas dans le but d’agrandir au mieux le futur État alaouite, l’objectif étant de l’augmenter d’un croissant allant de la bande côtière du Nord jusqu’à Damas en passant par Homs, le long de la frontière libanaise… territoire habité par beaucoup d’alaouites et de chrétiens auxquels s’ajoute une majorité de sunnites qu’il faudrait éradiquer. De plus, de l’autre côté de la frontière se trouvent, en majorité, ses alliés du Hezbollah chiite libanais.
C’est sur cette partie du territoire que se concentrent les forces du régime, épaulées par les miliciens du Hezbollah. Ils semblent d’ailleurs remporter des victoires, à relativiser toutefois car la capacité des rebelles à se réinfiltrer est impressionnante. Quant à l’est du pays, il est totalement perdu, même si les forces du régime s’y battent encore.
Mais si un camp est composé d’assassins professionnels, l’autre n’est pas moins sulfureux : des islamistes en tous genres, des groupes terroristes de tous pays, des mécènes wahhabites du Golfe…
Alors, qui soutenir ? Eh bien, personne : pourquoi faut-il toujours choisir un camp ? Aucun des belligérants n’est et ne sera jamais notre allié naturel ni même occasionnel. L’intérêt français - car c’est cela seul qui doit compter - est qu’ils continuent de se battre, et que la naissance de plusieurs petits États communautaires dans la région (druzes, alaouites, kurdes, arabo-sunnites et surtout chrétiens) en soit la conséquence.