Voilà, c'est fait. Vous avez eu ce que vous vouliez. Ce mercredi 4 décembre, l'Assemblée nationale vous donnait raison en adoptant la proposition de loi visant à pénaliser les clients de prostitués. Celle-ci doit encore être présentée au Sénat et au Conseil constitutionnel, mais on dit qu'elle passera comme une lettre à la poste.
En effet, vous qui êtes des gens honnêtes, des gens bien, des gens respectables, vous qui avez "vot' dignité" et la morale intacte comme l'hymen d'une jeune vierge, vous avez décrété que la prostitution n'était pas un métier et qu'il convenait d'en pénaliser les clients. Pourtant, et c'est toute la joie de se découvrir un beau jour un frère ou un sœur, vous aussi, vous êtes des putes.
De la caisse d'un centre commercial aux plus hautes instances de l'État, c'est une même foule qui vend son cul. Il est toujours question de mangeaille, de choses vulgaires, de factures à payer. Il faut faire chauffer la marmite et nourrir ses enfants. Il faut se rendre utile et vivre de quelque chose. C'est bien la contrepartie de la civilisation, c'est ainsi. Il faut travailler, produire, consommer. Il faut maintenir sans relâche un système que les hommes ont créé.
La caissière qui fait glisser sur son tapis un pull tricoté par un petit Chinois ou un sac de pommes de terre pour lesquelles un agriculteur suicidé aura laissé sa peau sait-elle que sa dignité participe à détruire celle des autres ? Quand elle se subordonne à un patron dont elle ne connaît ni la morale, ni les agissements, quand elle rentre le SMIC en poche et un rhumatisme pour seule prime, est-elle plus digne que la prostituée qui a choisi ce qu'elle considère comme un moindre mal ?
Les politiciens qui ont soutenu ce projet de pénalisation des clients savent-ils que même les plus intègres d'entre eux sont obligés de négocier avec la droiture ? Cela commence par une élection, où il faudra constituer des alliances. Cela finit, une fois arrivé au pouvoir, par la nécessité de s'y maintenir. Toujours des stratégies, toujours des compromis, toujours des dilemmes. Adhérer à un petit parti proche de ses idées, mais qui n'aura pas le pouvoir de changer les choses, ou vendre sa croupe à un grand parti qui nous est plus lointain pour avoir une chance de défendre ses convictions ? Choisir un candidat médiocre mais charismatique ou adapté à l’électorat d'une ville, ou un foudre d'intelligence incapable d'attirer les foules ? Allez, tout le monde sait bien que même les plus honnêtes et soucieux du bien commun ne s'y soustraient pas.
Que penser de la femme mariée par intérêt - car le monde moderne est rude - qui écarte les jambes par confort devant un mari qui ne lui plaît pas, ou si peu, partage son lit et lui fait trois enfants ?
Que dire du porno qui éduque vos fils ou des femmes payées pour faire bander vos époux ? Acte sexuel ou sensuel tarifé, programmé et non spontané, qui satisfait bien davantage le plaisir d'autrui que celui de l'offrant : où se trouve la différence avec la prostitution que vous condamnez tous crocs dehors ?
Et ce personnel de maison que vous employez pour récurer vos chiottes, que pense-t-il de sa dignité quand il se retrouve en tête-à-tête avec votre cuvette où s'amoncelle la même merde que chez le petit peuple ?
Le travail n'est pas dans la nature de l'homme, dont la seule tâche innée consiste à chercher sa subsistance. Il ne permet aucun respect de l'absolu, de l'idéal, du bien-être intégral, voilà la vérité. Nous sommes tous des prostitués, certes à des degrés différents.
Cette loi prévoit 1.500 euros d'amende pour les clients qui se font attraper. Toujours les pauvres qui trinquent ! 1.500 euros pour le prolétaire esseulé qui traîne sa misère sexuelle comme une paire de couilles trop pleines, c'est un salaire. Pour l'homme d'affaires ou le milliardaire saoudien venu goûter aux charmes français, c'est à peine le prix de la suite qu'il loue à la nuit.
Curieux que nos progressistes, si prompts à toutes les contorsions pour endiguer les inégalités (du « droit à l'enfant » qui amène la PMA au nivellement scolaire qui enfante la médiocrité) ne voient pas se dresser devant eux la plus grande, la plus importante de toutes, celle qui serre le cœur du prolétaire, de la ménagère et du cul-terreux, ces gens malodorants dont vous ne voulez plus : l'inégalité financière. Le portefeuille, le fric. L'ARGENT ! Cette chose décrétée sale par ceux qui n'en manquent pas.
Mariage pour tous, enfants pour tous… et pourquoi pas le coït pour tous, je vous le demande ?
Et puisque la civilisation a détruit le sexe sans entraves et crée des frustrations contre-nature, il faut bien qu'elle répare les dégâts qu'elle a causés. Dans un pays où monogamie et fidélité sont la norme, où une femme appartient toute sa vie durant à son époux, comme une propriété qu'il soustrait à tous les mâles environnants, que faire des hommes laissés sur la route ? N'y a-t-il personne pour s'émouvoir de leur sort ?
Il est vrai qu'une grande partie des femmes ne serait pas prête à délaisser l'usine pour le trottoir (sinon, elles le feraient). En ce sens, il serait dramatique de banaliser un métier dont la pratique révulserait tant de gens. Mais de quel droit contraignez-vous à la précarité celles qui y consentent et ceux qui en profitent ? Il y a, bien sûr, des trafics inhumains, qu'il convient de combattre tant qu'il nous restera un cœur en état de marche. Mais à quoi prétendez-vous servir en vous attaquant aux plus petits poissons d'un système immense où pullulent proxénètes et mafieux autrement plus dangereux ?
Vous qui aimez les gens libres, mêlez-vous de vos fesses. Vous qui trouvez la prostitution dégradante, soyez modestes et ne surestimez pas le gagne-pain qui vous sert de profession ; il ne vaut pas davantage que celui dont vous vous offusquez avec l'outrance du roquet qui disjoncte.
Et puisque vous persistez à dire que la prostitution est à condamner, dites-moi, à quand l'interdiction de prostituer son peuple ?
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