Une nuit en garde à vue pour s'être promené à l'heure du couvre-feu : c'est la mésaventure qui est arrivée à Pierre Henri-Rousseau, cet artiste fresquiste de 29 ans, pour une promenade à 11 h du soir en compagnie de son épouse, à 5 minutes de chez lui. Pour refus de se soumettre à un contrôle d'identité et de suivre les forces de police, l'artiste a passé une nuit et une matinée en garde à vue.

Témoignage au micro de Boulevard Voltaire.

Vous êtes peintre fresquiste de 29 ans et vous avez passé une nuit en garde à vue. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il s’est passé ?

J’ai été contrôlé à 23 heures lorsque je me promenais avec mon épouse à 5 minutes de chez moi. Ne connaissant pas le règlement dans ces cas-là, j’ai refusé de donner mon nom pour ne pas être verbalisé. Les trois policiers m’ont alors annoncé qu’ils m’emmenaient au poste de police. Je n’ai pas compris et j’ai refusé. Ils m’ont forcé, j’ai résisté, ils m’ont mis à terre et m’ont menotté avec une certaine violence, de fait nécessaire pour forcer quelqu’un à rentrer dans une voiture. Pendant ce temps, je ne demandais qu’à discuter puisque je ne comprenais pas pourquoi la situation allait si vite. J’avoue que j’ai été très surpris. Ils m’ont emmené jusqu’à l’hôtel de police en me criant dessus. Un policier me parlait avec un ton de « racaille ». J’ai donc été mis en garde à vue dans une cellule jusqu’au lendemain midi.

Avez-vous eu le sentiment d’outrager les policiers ?

Non, absolument pas. J’ai résisté, mais je n’ai eu aucune violence physique ni verbale à leur égard. Je ne les ai absolument pas insultés, ni rien.

Votre femme n’avait pas le droit de savoir où vous étiez. En quoi cette expérience en garde à vue a été excessivement violente pour vous ?

Je ne dirais pas qu’elle a été excessivement violente, parce que ce n’était pas au-delà de mes forces. En revanche, c’était plus violent que je ne l’aurais imaginé. D’abord, parce que c’est tout simplement difficile d’être dans une cellule où il fait très sombre et où on n’a plus rien. On ne sait pas l’heure et on ne sait pas ce qu’il va se passer. On est considéré comme dangereux. Il y a un soupçon sur soi et un sentiment de culpabilité que les policiers qui m’ont arrêté ont entretenu. Ensuite, il y a une souffrance liée à la disproportion de la mesure. J’ai effectivement enfreint le règlement, j’aurais peut-être dû accepter l’amende, mais concrètement, le lien de cause à effet entre se promener à 23 heures (ce qui ne propageait pas le Covid, et c'est quand même l'objectif de ce couvre-feu...) et passer une nuit et une demi-journée en prison est assez étonnant.

Que vous disaient les policiers ?

Un des policiers me disait que je devais avoir honte, que ma femme devait avoir honte de moi et qu’il était incroyable d’avoir un tel comportement. Je connais ma femme et j’ai bien vu qu’elle n’avait pas honte de moi.
Il a essayé d’entretenir ce sentiment de culpabilité. Il m’a dit que dans les banlieues, on se comportait mieux que moi et que je me croyais au-dessus des lois. De manière générale, je ne me crois pas au-dessus des lois. Ils me criaient dessus très fort.

Selon vous, ce couvre-feu strict ne risque-t-il pas de mettre les policiers en porte-à-faux vis-à-vis de la population qu’ils doivent protéger ?

Je crois que oui. Les policiers doivent faire leur métier et appliquer les consignes qu’on leur donne. Cela me semble normal. Mais ces consignes sont peut-être problématiques. Pour ma part, j’avais une véritable bienveillance vis-à-vis de la police. Maintenant, je me méfie puisque je sais désormais que je peux aller en prison pour des raisons anodines - cela m'est arrivé - et non pas parce que j’ai commis un méfait. Je crois qu’il faut chercher la justice et non être légaliste.

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02 mars 2021 à 14:32

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