C’est fait, Mme Saal a été démissionnée par son ministre de tutelle Mme Pellerin. Espérons que cette décision d’autorité n’a été motivée que par le sens de l’État et qu’elle n’est pas le simple fait de l’efficace pression médiatique. Tout a été à peu près dit sur cette affaire, néanmoins je voudrais revenir sur le mot utilisé la semaine dernière par la désormais démissionnée pour expliquer cet emploi abusif et familial du taxi sur le compte de l’argent public, c’est-à-dire celui du contribuable : « maladresse ».
« Maladresse », donc. Certes, l’affaire Saal n’a rien de salace mais rappelons-nous l’affaire DSK. Même ce dernier, qui n’est pas un parangon de morale, n’avait pas osé ce mot pour expliquer son geste déplacé du Sofitel. Cela aurait, du reste, fait sourire et l’on aurait alors parlé d’une double maladresse : maladresse du geste, maladresse de la parole. Non, DSK à confesse chez la prêtresse du JT dominical en septembre 2011 avait avoué une faute morale. Avouer une faute morale, pour un homme qui fut l’un des puissants de ce monde, ce n’est pas rien, c’est énorme, même, comme dirait Gerra imitant Luchini ! C’est aussi reconnaître qu’il y a une morale.
En revanche, pour l’instant en tout cas, pas de faute morale, semble-t-il, pour Mme Saal. Qu’est ce qu’une maladresse ? Je vais vous refaire le coup d’aller chercher mon vieux dico, celui qui me servait en classe prépa, le même peut-être qu’utilisait à l'époque Mme Saal pour préparer Sciences Po. « Maladresse : défaut d’adresse ». On n’est pas bien avancé. Alors, allons voir à « adresse ». À cette rubrique, on trouve les synonymes qui nous éclairent un peu plus : « dextérité », « habileté », « ingéniosité », « savoir-faire ». Mme Saal a donc manqué d’habileté, de savoir-faire… Rien, bien évidemment, qui relève de l’éthique, de la déontologie, de la morale. Mme Saal n’a pas dit que ce qu’elle avait fait était - pardonnez d’être ringard - bien ou mal.
L’on me dira que je fais un procès d’intention à ce haut fonctionnaire. N’a-t-elle pas affirmé qu’elle allait rendre l’argent ? On a envie de dire, normal, non ? Mais il ne faut pas oublier que rendre le produit d’un détournement n’absout pas de la faute commise. Un élu socialiste - d’Avignon, pas de Paris - l’a du reste bien compris puisqu’il a annoncé lundi dernier qu’il avait déposé plainte contre Mme Saal pour détournement de fonds public.
Alors, cette « maladresse » est-elle une maladresse de communication ? Ce serait bien maladroit, une marque d’incompétence presque, de la part de quelqu’un qui doit certainement connaître les arcanes de cette fameuse communication pour avoir usé ses escarpins dans divers cabinets ministériels. Ou bien est-ce la confirmation qu’une certaine caste de petits marquis et marquises de cette République à bout de privilèges a depuis longtemps quitté le domaine étriqué de l’immoralité pour entrer dans celui plus confortable de l’amoralité ? Le « pas vu pas pris » étant laissé aux vulgaires et plébéiens petits tricheurs.
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