Entre son idéal, que je crois sincère, d’une Amérique pacifique, et le réalisme de la géopolitique américaine, Trump a dû choisir. C’est qu’il ne peut pas, d’un côté, promettre à son peuple la prospérité, et de l’autre, ignorer les conditions pratiques de cette prospérité. Or, le Moyen-Orient, avec ses ressources énergétiques, est l’une des clés de la prospérité américaine, car sa maîtrise est la meilleure garantie contre l’endettement massif des États-Unis. Expliquons-nous.

En 1944, à Bretton Woods, les États-Unis étant alors la seule puissance économique bien portante, il fut décidé que toutes les monnaies du monde seraient arrimées au dollar, en ne pouvant s’écarter de plus de 2 % de la parité initiale. Pour relancer le commerce mondial, les États furent donc contraints de se constituer des réserves en dollars, et l’Amérique d’accroître considérablement ses réserves d’or afin de stabiliser la valeur de sa monnaie. Pour éviter un accroissement excessif de la quantité de dollars en circulation, l’accord obligeait les USA à toujours pouvoir échanger contre de l’or les réserves de dollars des autres pays. Puis, les besoins croissants des économies en dollars contribuèrent, paradoxalement, à une perte de confiance en sa réelle convertibilité en or (c’est le « dilemme de Triffin »). Alors, Nixon supprima l’indexation sur l’or mais, loin de perdre en crédibilité, la monnaie étalon confirma son statut, parce qu’en réalité elle s’adosse au pétrole... du moins tant que le commerce de cette ressource - ô combien précieuse aujourd’hui - se fait en dollars. Or, les pays producteurs de la région y sont engagés par accord exclusif, et au besoin contraints par la force armée. Jadis, le désir du shah d’Iran de s’en émanciper s’est payé d’un abandon de son puissant allié. Naguère, le projet exprimé publiquement par Saddam Hussein de jouer la diversification, notamment avec la future monnaie européenne, en a fait un ennemi à abattre. Aujourd’hui, la guerre en Syrie est due au projet d’Assad d’ouvrir son territoire à un gazoduc non pas qatari mais iranien, ce qui porte atteinte, non seulement aux intérêts des monarchies du Golfe, mais en outre à l’empire du dollar américain ; d’autant que les USA, en tant que suzerains, doivent protection et alliance à leurs vassaux de la région, qui ne doivent à aucun prix être déstabilisés.

En définitive, la devise américaine est solide tant que l’armée américaine est invincible : c’est l’armée américaine qui fait sa force. Or, n’oublions pas que le dollar, depuis qu’il est devenu sui generis (situation jamais vue dans le passé où toutes les monnaies universelles étaient convertibles en or), permet aux États-Unis d’impliquer le monde entier dans sa dette vertigineuse en accroissement continuel, de sorte que, paradoxalement, c’est le monde entier, y compris la Syrie, qui participe, par exemple, au financement des missiles américains qui pleuvent sur elle…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:34.

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08 avril 2017 à 15:48

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