« Quand les peuples cessent d'estimer, ils cessent d'obéir », disait Rivarol. Mais avant de désobéir, ils passent par une phase de contestation dont l'humour est un élément très important. Cela commence dans le cercle intime, s'enhardit au comptoir des bistrots, se poursuit chez les humoristes professionnels avant de gagner les médias non inféodés.

Le monde du commerce, lui, s'était toujours bien gardé d'afficher toute opinion politique, et encore moins factieuse, vis-à-vis du pouvoir, préférant surfer sur les vagues à la mode : il ne faut rebuter aucun client potentiel. Alors, aujourd'hui, on vend équitable, on vend bio, on vend sans C02, on vend métissé… un art de la flagornerie dont Decathlon est le nouveau Léonard de Vinci.

C'est à la lumière de ce long préambule que l'actuelle campagne d'affichage de Monoprix prend toute sa saveur - et, plus encore, sa signification politique -, puisqu'elle n'hésite pas à ridiculiser ouvertement les mesures prises par le gouvernement en matière de restriction du commerce : « Une commission venant de conclure que l’eau, ça mouille, nous avons à nouveau le droit de vendre des parapluies », ou encore « Si les biberons n’étaient pas nécessaires, il fallait nous avertir de ne pas faire de bébés pendant le premier confinement ».

Il est vrai qu'entre autres mesures ébouriffantes, estampiller comme essentiels les vêtements pour enfants de moins de trois ans, mais pas pour les plus âgés, a fait entrer, toutes sirènes hurlantes, notre haute administration dans la quatrième dimension.

Mettre les rieurs de son côté a toujours été une ficelle efficace de la rhétorique, mais l'avait-on déjà vue utilisée par une grande enseigne de façon aussi impertinente vis-à-vis du pouvoir ? On n'en a pas le souvenir.

Ce qui en dit long sur une désacralisation du fameux « monarque républicain », de son gouvernement et de ses hauts fonctionnaires qui, de Sarkozy en Hollande et de Hollande en Macron, n'a certes pas commencé avec ce dernier, mais laisse mal augurer de l'aura des suivants, quels qu'ils soient…

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22 novembre 2020 à 20:13

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