Robert Ménard, en lançant le Rendez-vous de Béziers sous le slogan provocateur et bien trouvé « Oz ta droite ! », avait un objectif clair. Rassembler la droite, la vraie, car elle existe, non derrière un homme ou dans un parti, mais sur des idées et des valeurs. Cette droite est facile à définir : elle comprend d’abord les défenseurs des valeurs spirituelles, morales sans lesquelles l’existence et la continuité d’une nation ne sont plus assurées. Ce sont les conservateurs.
La nation n’est pas un ensemble d’individus, c’est une personne qui a une âme, une histoire, une foi en son avenir. L’aimer, être prêt à la défendre, considérer ses intérêts individuels comme inférieurs au bien commun de la patrie : c’est le patriotisme. Les patriotes sont une composante essentielle de la droite. Un patriote doit souhaiter la réussite économique de son pays, nécessaire à son indépendance, et donc à la liberté de ses citoyens. Il ne peut qu’être partisan de la liberté d’initiative, de l’encouragement au mérite et au risque.
La droite est libérale comme elle est patriote et conservatrice. Elle veut une nation forte au sein de laquelle règne une démocratie dont les citoyens sont libres de s’exprimer et d’entreprendre, mais respectueux des lois qu’ils auront contribué à instaurer. Les propositions issues de ces trois journées vont dans le sens de cette définition.
51 propositions dégagées avec une surprenante rapidité le lendemain des débats relèvent de la magie. Du chapeau du magicien sont sorties des mesures qui y étaient sans doute depuis longtemps. Elles sont nombreuses et disparates. On y sent la volonté de répondre à l’attente de certains secteurs de la société, comme les commerçants indépendants. On reconnaît l’auteur à quelques provocations ciblées, notamment à l’intention de la presse.
On adhère à des mesures de bon sens et parfaitement « républicaines », comme la sortie de l’OTAN, la Garde nationale, la liberté d’expression, la préférence nationale, la primauté du droit du sang. La nation, la famille, la liberté sont au premier rang, et il faut s’en féliciter. On regrette quelques faiblesses et des incohérences. L’idée de rétablir l’ordre dans les quartiers difficiles par l’implantation d’une gendarmerie est une vue de l’esprit. S’il est essentiel de réformer la magistrature et la formation des juges, il est indispensable d’augmenter le budget de la justice, notamment pour rendre efficace la chaîne pénale. C’est oublié.
Beaucoup de propositions reprennent des thèmes qui ont fait l’objet de débats passionnés, d’une opposition farouche de la gauche et d’un recul de la prétendue droite, mais ce n’est certainement pas en instillant de la proportionnelle aux législatives et en morcelant le Parlement qu’on aura une majorité apte à voter les mesures proposées : on imagine le chambard à propos de la fin du statut des fonctionnaires ou du chèque scolaire, la haine déployée par LGBT contre l’abrogation de la loi Taubira. La mobilisation hostile sera redoutable.
Trop de mesures et pourtant des lacunes, mais surtout une absence essentielle. Le seul moyen de mettre en œuvre cette révolution conservatrice (car c’en est une), ce serait de la faire signer par le peuple en organisant dans les deux premières années du mandat des référendums sur quelques propositions-clés. Et le premier pas serait, par référendum, d’instaurer le référendum d’initiative populaire à la Suisse afin que, quoi qu’il arrive par la suite, le peuple conserve la parole et le pouvoir. En oubliant ce « détail », le magicien d’Oz a oublié sa baguette.