Cette semaine, deux spectres historiques ont fait leur retour sur les écrans : en France, celui de la dissolution ; en Russie, celui d'un effondrement intérieur consécutif à une défaite ou un enlisement militaire en Ukraine.

C'est l'annonce, il y a une semaine, de la mobilisation de 300.000 Russes et les départs, semble-t-il massifs, des hommes concernés qui a donné corps à cette hypothèse. Dans Le Figaro, Laure Mandeville évoque d'emblée les parallèles des défaites russes de 1904 contre le Japon et de 1917 qui ont entraîné l'effondrement intérieur du régime. Pour elle, « la question de la solidité du régime est désormais sur toutes les lèvres ». Dans Atlantico, c'est la célèbre soviétologue (et très anti-Poutine) Françoise Thom qui fait le parallèle avec 1917 : « Les similarités de la situation d’aujourd’hui avec celle de 1916-7 sont frappantes : même promotion de médiocres politiquement conformistes au commandement militaire, même sous-encadrement de l’armée, même prétention de Poutine à diriger personnellement les opérations, même incapacité de la bureaucratie à organiser l’effort de guerre. » Selon elle, « si l’armée russe est battue, le régime de Poutine est condamné ». Mais l'issue du conflit, et donc du poutinisme, n'est pas pour elle scellée, à ce stade : tout dépendra de l'évolution.

Pourtant, l'hypothèse d'un effondrement de l'armée russe et de Poutine fait, depuis une semaine, partie des scénarios possibles. Il est certes difficile de faire la part de la propagande dans la montée en puissance du thème de l'effondrement, mais on ne peut le réduire à un fantasme.

Le régime tsariste avait des atouts : la vénération du peuple pour le tsar couplée à la piété populaire orthodoxe, un contrôle policier serré. Cela ne l'empêcha pas de s'effondrer. Aujourd'hui, le régime poutinien dispose, lui aussi, d'atouts importants : son idéologie impérialiste, un même contrôle policier interne mais aussi le soutien de la Chine qui, avec l'Inde et le Brésil, a refusé de voter, hier, la résolution américaine condamnant les annexions russes en Ukraine. Il n'empêche que, en cas de mobilisation populaire et de désertions qui s'ajouteraient à des défaites militaires, ces piliers s'effondreraient aussi.

Cet éventuel effondrement du régime serait-il alors la condition pour qu'advienne enfin un régime plus libéral en Russie ? C'est ce que pense Françoise Thom. Plus d'un siècle après 1917, et presque quarante ans après 1991, ce serait la fin des occasions manquées entre la Russie et la démocratie.

Poutine a imputé cette guerre en Ukraine aux ratages de 1991 (« Les représentants soviétiques, en 1991, ont détruit notre grand pays »). Il n'a pas complètement tort et l'humiliation russe née de la dislocation de l'Empire soviétique n'est pas seulement un thème poutinien. La longévité de Poutine et cette guerre sont justement la preuve de ces impensés de 1991.

Dans l'Histoire, les effondrements militaires suivis de l'instauration de régimes plus démocratiques, s'ils apportent un temps un espoir de paix, parviennent rarement à éviter la résurgence du conflit, comme on l'a vu après 1871 en France et 1918 en Allemagne.

Si c'était le scénario de l'effondrement qui devait se concrétiser dans les prochains mois, les vainqueurs et les Occidentaux auraient alors une énorme responsabilité dans la préparation de la suite. Et, déjà, celle d'éviter les erreurs de 1991.

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01 octobre 2022 à 15:35

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30 commentaires

  1. C’est plutôt l’Europe qui va s’effondrer avant la Russie. Tous les signes sont au rouge.

  2. Que vient faire cet article? Et l’effondrement de la France qui est en cour? Et la soumission totale de l’UE aux USA ? Je ne sais pas si la Russie va s’effondrer. Mais nous en UE c’est sûr que décadence et effondrement sont déjà bien engagés. Nos ennemis ne sont pas les russes mais Macron, VDL, les dirigeants français et européen inféodés au USA car ils en sont la progéniture. Et puis, et c’est le plus important, cet effondrement est en cours avec l’acquiescement des peuples européens au nom de la BIENPENSANCE.

  3. Effondrement? Ils sont assis sur les plus importants gisements de tout ce dont l’occident a besoin, et savent le moneyer! Ils ont un tas d’alliés en développement rapide qui ont besoin de tout! Si on devait craindre un effondrement ce serait le notre: pas d’industrie, pas de microprocesseurs, pas d’acier, pas d’engrais, pas d’aluminium, pas de…et une population dont le niveau d’instruction ne permet plus d’être à l’avant garde. (oui j’ai connu des ingénieurs chinois époustouflants et modestes en plus). Pour l’ ego surdimensionné..on est au top! et le Figaro y contribue.

  4. L’effondrement de l’empire turc n’a pas amené la démocratie en Turquie. Les successeurs du sultan ont anéanti les Arméniens. Si Poutine tombait, lui succéderait un gouvernement plus déterminé à vouloir absolument que la Russie ait un accès libre à la Méditerranée. Ce dernier point est le seul objectif de la RUSSIA pour le reste ce n’est que gloserie sauf à penser que la Russie Kiévienne envahisse la RUSSIA moscovite

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