Le système de retraite par répartition est un des fleurons de la République, de l’exigence d’égalité et de solidarité de notre démocratie. Il fait partie des acquis sociaux, fruits de la lutte des travailleurs contre l’oppression du grand capital. Issu, historiquement, du programme du Conseil national de la Résistance (intitulé « Les jours heureux »), il est l’un des symboles de la renaissance de la patrie française après l’occupation nazie et la trahison de Vichy. Nos hommes politiques s’en gargarisent, nos bons journalistes, défenseurs nés de la démocratie, se lancent à son propos dans de sublimes tirades.

Tout cela sonne comme du Déroulède… avec un seul défaut : les spécialistes d’histoire sociale contredisent ce récit héroïque. Ils nous affirment, les bougres, que l’architecture du système de retraite a été mise en place par le gouvernement du maréchal Pétain, qui nous a même légué une de ses caractéristiques pérennes : le déficit. Et la principale raison pour laquelle cet odieux système pétainiste a perduré est que les hommes qui agirent après la Libération furent les mêmes qui avaient agi sous l’Occupation.

Par le décret-loi du 14 mars 1941, en effet, le régime de Vichy crée l’allocation en faveur des vieux travailleurs salariés, soit le « minimum vieillesse ». Il instaure en même temps une pension de retraite par répartition pour les assurés du commerce, de l’industrie et des professions agricoles (jusque-là, les caisses sectorielles fonctionnaient plutôt par capitalisation). Cette promulgation a été préparée par René Belin, ministre du Travail, qui sait de quoi il parle puisqu’il a été, durant les années 30… secrétaire général adjoint de la CGT !

Notons, d’ailleurs, que le ministre René Belin est celui qui a mis en place le premier fonds national de chômage, qui a réorganisé l’inspection du travail, qui a fait du 1er mai un jour chômé et payé, et autres épouvantables mesures dictatoriales.

Techniquement, celui qui a préparé le décret-loi du 14 mars 1941 est Pierre Laroque qui, révoqué du ministère du Travail en raison de ses origines juives, deviendra, le 5 octobre 1944, directeur général de la Sécurité sociale et mettra en place notre actuel système de protection sociale par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945.

Les caisses professionnelles ainsi regroupées possédaient des réserves de vingt milliards de francs. Selon les prévisions, la nouvelle caisse pouvait tenir six à sept ans, le temps que les cotisations des assurés permettent de trouver l’équilibre. En fait, le nombre des bénéficiaires s’avéra largement supérieur aux prévisions et les réserves s’épuisèrent en trois ans, ce qui conduisit la Commission administrative des retraites, dès le 4 juillet 1944, à signaler « l’extrême gravité » de la situation et à prédire que, sans action rapide, on arriverait sans délai à « un arrêt de tout le fonctionnement des assurances sociales ». Premier d’une série d’avertissements sur le déficit des retraites, dont nous sommes loin d’avoir vu la fin.

C’est ainsi que, dans les derniers jours de 1944, un projet d’ordonnance est élaboré qui transfère aux entreprises le financement des retraites en instituant un prélèvement spécial de 4 % payé exclusivement par les employeurs : le régime de Vichy nous a aussi légué le principe des « charges sociales employeur ».

Dans le cadre de la cancel culture et de la « lutte antifasciste », ne serait-il pas urgent de mettre à bas ce système de retraite par répartition issu de la « France moisie et pétainiste » et « des heures les plus sombres de notre Histoire » ?

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04 juin 2022 à 18:00

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35 commentaires

  1. Quelle est cette curieuse habitude en France de vouloir tout « déboulonner » de ce qui appartient à l’Histoire de ce pays ? Il n’y a donc rien d’autre à faire ? Ce n’est pas le système de répartition des retraites qui est « mauvais », mais le gaspillage éhonté des fonds publics issus des impôts et taxes de toutes sortes et des fonds sociaux issus des cotisations sociales de toutes sortes. Rendez aux Français ce qui appartient aux Français et la France se portera mieux sinon à merveille ».

  2. Attention quand on parle du »système de retraite » ! Il existe tellement de système de retraites ! Régimes très spéciaux, différents régimes des fonctionnaires, retraites dites du privé, retraites des « indépendants », sans oublier la retraite des anciens hommes politiques, etc, etc… avec tant d’inégalités !

  3. Pour être tout à fait complet, il convient de rappeler que Pierre Laroque, devenu Directeur de la Sécurité Sociale à mis en musique la réalisation de notre système de santé sous la houlette du ministre Ambroise Croizat, ministre communiste en charge des affaires sociales sous le gouvernement du Gal de Gaulle.

  4. On met des oeuillières aux chevaux afin qu’ils ne soient pas effrayés par ce qui se passe autour d’eux , on a dû faire la même chose aux socialistes

  5. Comme tous les avantages acquis, et au mépris de la réglementation européenne (seulement quand ça l’arrange), le régime en a fait un monopole intangible.

  6. Les heures les plus sombres de notre Histoire , ne sommes nous pas en train de les vivre ou de les revivre ?

  7. J’adore la conclusion de l’article mais qu’attend la bien pensance et tous ceux qui nous pourrissent la vie , pour y mettre un terme …!!!!!!

    1. Je voudrais en tant qu’ex des Assurances (Notamment UAP-AXA) souligner que nous devons aux syndicats ultra-gauche de notre profession CGT et FO (Trotskystes hélas majoritaires dans les réseaux commerciaux) qui ont refusé la retraite par capitalisation pour des raisons « capitalistes » alors que notre régime ex UCREPSA permet de bénéficier d’une retraite capitalisée n’en déplaise aux sbires de MARTINEZ ou autres gauchistes CFDT comprise (réformiste comme je suis curé !!) Signé un Ex CFTC

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