Retour à la France d’après-guerre : petit déjeuner pour tous à l’école !

petit déjeuner école

Pour être « studieux, solides, forts et vigoureux, buvez du lait ! » lançait Pierre Mendès France aux petits Français en blouse grise. C’était en 1954, dans une France qui se relevait à peine de la guerre et où les années de rationnement alimentaire avaient creusé les carences. C’est ainsi que tous les petits enfants des écoles eurent droit,chaque matin, à un verre de lait et quelques morceaux de sucre. Certes soucieuse de la santé de ses enfants, la IVe République entendait surtout soutenir la filière laitière et son amie la sucrière.

Les dents des « p’tits amis », comme les appelait alors le président du Conseil, ne leur dirent pas merci… mais leur foie si, car le même Pierre Mendès France fit également interdire l’alcool à l’école aux enfants de moins de 14 ans. C’était en 1956. Toutefois, il aura fallu attendre une circulaire de 1981 pour interdire officiellement la consommation d’alcool dans les établissements scolaires. On est en France, tout de même !

Les petits enfants élevés au lait de Mendès France ont, aujourd’hui, atteint l’âge de la retraite. Ils ne sont plus du tout persuadés que « les produits laitiers sont leurs amis pour la vie », et même si François Hollande nous a répété que nous étions « en guerre », c’est plus la malbouffe que le rationnement qui détraque les gamins. On est rarement obèse sous les bombardements…

Donc, les Français se sont relevés de la guerre, et même de deux guerres consécutives, puis ils sont entrés dans la parenthèse historique des Trente Glorieuses avant de replonger… Mais de replonger dans quoi, au juste ? Dans la misère noire, à ce qu’on nous dit.

Les chiffres, s’ils sont exacts, sont ahurissants : il paraît, dit Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre de la Santé, que « dans les zones défavorisées, un enfant sur dix arrive en classe le ventre vide. Il n’a donc pas les mêmes chances d’apprentissage qu’un camarade qui a le ventre plein. » En conséquence de quoi, l’État a décidé de mettre en place le petit déjeuner à l’école : « C’est une mesure de bon sens qui s’attaque aux racines des inégalités », assure le ministre.

Cette mesure est, depuis quelques jours, à l’essai dans huit académies et sera généralisée à la rentrée prochaine. Comme la cantine à 1 euro, les petits déjeuners pour tous font partie de la « stratégie nationale de lutte contre la pauvreté » du gouvernement. Budget : 8,5 milliards d’euros. Là-dessus, « l’État va financer les petits déjeuners gratuits à l’école à hauteur de 6 millions d’euros en 2019 », a confié Mme Dubos au JDD, précisant que l’enveloppe passera à « 12 millions d’euros en année pleine, dès 2020 ».

On ne sait pas encore ce qui sera offert aux enfants mai, on l’assure, les petits déjeuners seront « équilibrés et de qualité ». Sur le papier, c’est parfait. Dans les faits, ça risque d’être une autre histoire…

Tout d’abord, est-on sûr que si les enfants arrivent à l’école le ventre vide, c’est parce que leurs parents n’ont pas les moyens de les nourrir ? On nous dit que « 25 % des 3-11 ans ne prennent pas de petit déjeuner tous les matins, les populations défavorisées étant les plus touchées », mais sait-on pourquoi ? Pour beaucoup, c’est le coucher trop tard et le lever en retard qui sont en jeu, et plus souvent encore le refus d’avaler quelque chose au réveil.

Et que sait-on des habitudes alimentaires de ces « populations défavorisées » ? Que va-t-on leur servir : un petit déjeuner à l’anglaise ou à la française ? Céréales au Nutella® pour mettre tout le monde d’accord et l’obésité à la fin de l’année ?

Cette mesure, on l’espère, sera bénéfique pour les enfants, mais dans quelle proportion ? Il est à craindre, hélas, qu’elle ne demeure qu’une initiative généreuse propre à masquer des problèmes culturels qui vont bien au-delà de la malbouffe et du petit déjeuner…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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