Ce 16 janvier, l’accord Iran/États-Unis était à peine entré en application que Washington cherchait déjà des poux dans la tête des ayatollahs au sujet de missiles balistiques susceptibles de se muer en vecteur nucléaires menaçant l’Amérique et son 51e État, à savoir Eretz Israël. Washington menace, en effet, de mettre en œuvre de nouvelles sanctions si Téhéran n’obtempère pas immédiatement. Deux jours plus tard, le département du Trésor ajoutait sur sa liste noire cinq ressortissants iraniens et un réseau d'entreprises basées aux Émirats arabes unis et en Chine. En réponse, Téhéran s’empressait de faire savoir que « la République islamique d'Iran… répondra à ces actes inappropriés en accélérant son programme balistique légal et en augmentant ses capacités de défense ».
Bref, le bras de fer Iran/États-Unis n’a pas encore cessé malgré les apparences. De plus, à l’occasion du forum de Davos, le secrétaire d'État américain Kerry s’est employé à ajouter un peu d’huile sur le feu en déclarant qu'une partie des fonds gelés depuis 1979 (55 milliards de dollars devant être restitués à l'Iran après la levée des sanctions) serait destinée à financer des organisations regardées comme "terroristes" par l’administration américaine. Ce disant, il visait non les Gardiens de la révolution, mais leur fer de lance, la Force Al-Qods, considérée depuis 2007 par le Trésor américain comme une entité terroriste à l’instar du Hezbollah libanais. Dans le même ordre d’idées, le président Obama, tout en se félicitant des progrès historiques réalisés grâce à cet accord de mise sous tutelle du programme nucléaire iranien, s’est néanmoins cru obligé de rappeler que la République islamique joue un rôle "déstabilisateur" au Levant et particulièrement en Syrie. L’épée des sanctions demeure donc brandie dans cette curieuse diplomatie du double bind (d’exigences contradictoires).
L’application du traité se trouve donc en effet soumise à des conditionnalités subsidiaires inscrites dans un processus malicieux de concessions à perpétuité. Par exemple, si la question des missiles n’est pas réglée, le processus de paix négociée de la crise syrienne court le risque d’être remis en cause, ce dont l’Iran ne veut pour rien au monde.
Notons que dans cette marmite du diable, certaines forces sont à l’œuvre pour défaire la nuit ce qui s’est tissé le jour. Le 2 décembre 2015, le Service fédéral de renseignement allemand (BND) publiait une courte note exposant que le ministre de la Défense saoudien, le prince héritier Mohammed ben Salmane, 29 ans et fils préféré d’un roi atteint de démence sénile, avait opté pour une politique militaire très intrusive au Proche-Orient, en priorité en Syrie et au Yémen. Ainsi, en 2015, l’Arabie présidait en Syrie à la formation de l'Armée de la conquête réunissant des éléments d’Ahrar al-Sham et du Front al-Nosra, ce faux nez d’Al-Qaïda que le Pentagone est censé combattre. Au Yémen, l’aviation saoudienne appuie les forces gouvernementales contre les houthis zaïdites[ref]Branche du chiisme pour laquelle la descendance d’Ali, gendre du Prophète et quatrième calife, s’arrête au cinquième et dernier imam, Zaïd.[/ref] et leurs alliés. Un mémo au final plutôt inhabituel entre alliés engagés au sein d’une même coalition occidentalo-arabe contre le péril islamiste.
C’est dans ce contexte assez crépusculaire[ref]Particulièrement après la « bousculade de La Mecque » du 24 septembre 2015. À Mina, lors du pèlerinage du Hadj, des pèlerins se sont trouvés bloqués dans une voie devenue brusquement sans issue après la fermeture, volontaire semble-t-il, de portes blindées. Catastrophe dont le bilan officiel établi deux jours après le drame était de 717 morts dont 464 Iraniens. En réalité, des bilans successifs au fil des jours faisaient d’abord état de la mort de 769 pèlerins, puis de 2.236 et enfin, début janvier 2016, le ministère de la Santé saoudien établissait une liste nominative de 7.477 morts, ceci dans un effarant silence médiatique.[/ref] qu’était décapité et crucifié le 2 janvier à Riyad l’imam chiite Nimr al-Nimr en compagnie de 46 autres condamnés. Un geste délibérément provocateur à l’égard de Téhéran qui, si ce n’était la ferme volonté des présidents Obama et Poutine d’empêcher toute confrontation directe entre l’Iran et l’Arabie, aurait pu avoir, toutes proportions gardées, les mêmes conséquences que l’assassinat à Sarajevo le 28 juin 1914 de l’archiduc François-Ferdinand. Certes, comparaison n’est pas raison… S’ensuivirent aussitôt les incendies des représentations saoudiennes de Téhéran et de Mechhed. Puis Riyad rompait ses relations diplomatiques et, le 7 janvier, faisait bombarder l'ambassade iranienne de Sanaa au Yémen. 2016, à n’en pas douter, vient de s’ouvrir en beauté sur ce nouveau bal du diable.
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