Une règle importante sinon la plus importante du journalisme est de savoir faire la différence entre les faits et les opinions, entre un article ou reportage rapportant des faits et un éditorial ou commentaire. Cette règle est presque systématiquement violée par nos grands médias français.

Ainsi, ce lundi, "C dans l’air" s’intitulait « la gueule de bois », l’Humanité et Le Figaro titraient « Le Choc » et dans le journal normalement peu politisé de Jean-Pierre Pernod à 13h sur TF1, Valérie Nataf parlait devant l’Elysée d’un FN qui « menace » de l’emporter, d’un « sursaut citoyen » qui n’a pas vraiment eu lieu et autres éléments de langage très orientés.

Bien sûr, ce n’est pas la peine de mentionner l’édito du Monde de lundi qui nous dit que la victoire du FN correspond à une « vague bleu marine ou plus exactement brune », comparant sans complexe la montée du FN dans des élections sans grande conséquences politiques pour la direction des régions avec la montée du fascisme et tant d’autres éditos qui se distinguent par leur partialité et manque d’objectivité.

Mais revenons rapidement sur ces formules : qui donc a la gueule de bois à "C dans l’air", pour qui est "le choc" au Figaro et à l’Humanité ou la menace sur TF1 ? Sans doute pas tous ces Français qui, malgré le conditionnement médiatique, ont voté pour les candidats du FN, ni même pour la grande majorité que l’on voit sur les marchés chers à Jean-Pierre Pernod et qui expriment qu’ils ont d’autres chats à fouetter.

Derrière ces commentaires, on voit surtout se dessiner un fossé entre des « élites » et le peuple. Bon, il y a des raisons d’espérer : en effet, on observe un certain progrès au fil des ans. On avait fait face à une véritable propagande d’État et médiatique entre les deux tours de la présidentielle en 2002. Du président Chirac au moindre directeur d’école primaire, il s’agissait alors ni plus ni moins que de sauver la République et les droits de l’homme face à la montée du fascisme. Je fréquentais alors le club de la presse anglo-américaine et ses membres, malgré leur hostilité assez répandue à l’encontre du candidat Jean-Marie Le Pen, étaient sérieusement choqués par l’atmosphère à Paris où toutes les « élites » politiques, médiatiques et culturelles et même religieuses s’unissaient dans le rejet du candidat du FN, ce qui permit à Jacques Chirac d’être élu comme un dictateur africain de la belle époque avec plus de 80 % des électeurs.

Ce genre de campagne où l’État, assisté par les principaux médias et le showbiz, utilise tous les moyens à sa disposition pour diaboliser un candidat à une élection est une honte pour la démocratie en France.

Que l’on soit d’accord ou pas avec les idées du FN, et pour ma part, j’ai eu l’occasion de montrer dans les colonnes de Boulevard Voltaire mon désaccord avec ses propositions économiques, sur l'Euro et l’Europe, diffamer systématiquement des candidats ou un parti, en faire une espèce de bouc émissaire du monde politique ne contribue certainement pas à revitaliser la démocratie et à construire une société plus fraternelle et plus juste pour reprendre les formules consacrées.

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10 décembre 2015

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