Dans l’océan de consensualisme mou de la presse française, un titre émerge avec fierté comme un phare sur une mer d’ennui. Le mensuel Causeur fête son numéro 100. Daté d’avril et en vente dans tous les bons kiosques, Causeur met à sa une une hypothèse politique assez gonflée que la période de réserve avant le premier tour de l'élection présidentielle nous interdit malheureusement de mentionner ici. Ce numéro 100 revient surtout sur les années passées dans un dossier « Nos années Causeur », appuyé sur une brochette de plumes brillantes et de penseurs dont certains font la richesse de ce journal atypique : Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Renaud Camus, Natacha Polony, Gilles-William Goldnadel, Jérôme Leroy… « C’est pas pour me vanter, comme dit l’ami Basile [de Koch, NDLR] mais nous sommes toujours là », lance, au début de son éditorial, Élisabeth Lévy, l’âme et la cheville ouvrière de la maison. Le journal marqueur d'une droite inventive, intellectuelle et libre a neuf ans, le site treize ans : des âges tendres encore et, pourtant, Causeur ne manque ni d’audace ni de brio ni de personnalité. Quelques numéros ont marqué l’actualité et illustré le style provocateur, drôle et un peu fantasque du magazine et de sa patronne. « Il y a quelques unes qui m’ont fait marrer, pas forcément celles qui ont le mieux marché, explique Élisabeth Lévy à Boulevard Voltaire. J’avais été assez contente de faire une une sur Plenel : j’ai créé Causeur pour pouvoir me payer sa tête. Au moment de l’affaire Cahuzac, on avait titré « Plenel Président » : ce con a pris cela au premier degré ! Il a répondu qu’il était contre le présidentialisme ! »

Un autre numéro, titré « Touche pas à ma pute », provoque un vrai scandale, en septembre 2013. Il comprend le « Manifeste des 343 salops » (en référence au « Manifeste » dit « des 343 salopes » paru en 1971 dans Le Nouvel Observateur, qui marquera la bataille en faveur de l’avortement). Le manifeste de Causeur démarre par ces mots : « En matière de prostitution, nous sommes croyants, pratiquants ou agnostiques. » Le goût de la provocation fait partie de l’identité du journal. Nouvelles gifles aux bien-pensants avec ces numéros sur le « Grand Remplacement » ou « la terreur féministe », « car quand les hommes adultes n’osent pas dire ce qu’ils pensent, moi j’appelle cela de la terreur, on ne peut pas parler de terreur juste pour Staline et Hitler », fulmine Élisabeth Lévy. Dans le même esprit, un numéro titré « Délivrez nous du mâle » aura son petit effet. La gauche consensuelle bout, Élisabeth Lévy se régale, s’indigne et éclate de rire.

C’est peu dire que Causeur porte son empreinte. Elle relit personnellement tout le journal, 100 pages serrées tout de même, et corrige à la virgule près. « Je suis très emmerdante pour l’écrit, je relis tout, mais du coup, la personne que j’emmerde le plus, c’est moi !», explique-t-elle. En est-elle certaine ? Élisabeth Lévy reste lucide sur sa personnalité un peu râpeuse : « Je ne censure pas les gens mais je suis très exigeante, je les engueule quand les papiers sont mal torchés, c’est vrai. J’ai mauvais caractère, je suis soupe au lait, ça c’est vrai, mais j’écoute. »

À l’origine de Causeur, la fascination de « la tsarine », son surnom en interne, pour les salons d’autrefois. « J’ai toujours rêvé d’avoir un salon, un salon du XVIIIe siècle, explique-t-elle en riant à demi seulement. Je me voyais très bien en Madame Duschmoll recevant et animant les conservations. » Entrechoquer des idées, contribuer au débat public, offrir un champ de liberté aux intellectuels de droite, c’est la vocation de Causeur qui offre de temps à autres à une personnalité une page pour… démonter et critiquer le journal ! Du jamais vu ailleurs.

Rançon de l’inventivité et du culot, Élisabeth Lévy estime avoir été copiée. « Le Figaro Vox a joué les pompes aspirantes avec nos auteurs, dit-elle. Le Vox, c’est un peu Causeur, l’humour en moins. » L’humour est en effet la vraie marque de fabrique de l'improbable OVNI d'Élisabeth Lévy. « Je ne peux pas vivre sans me marrer : l’humour, c’est une façon de penser. On n’est pas toujours drôles, on n’est pas Hara Kiri. Mais on essaie d’être malicieux… On y arrive ou pas. Quand les gens me disent : Vous me faites rire, c’est le plus beau compliment ». Vivement le numéro 1000 !

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09 avril 2022 à 20:40

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35 commentaires

  1. Bd Voltaire, Causeur, CNews, Valeurs actuelles, entre autres, sont des îlots où on nous épargne la pensée gauchisante, la bien pensance, le vivre ensemble et toute cette idéologie immonde et délétère, qui a mené notre pays là où il est. Un vrai bol d’oxygène ! Ce sont des médias valeureux, que la gauchosphère et la macronie, aidées assidûment par des magistrats laquais, et par l’ Arcom ex CSA, n’ont pas pu abattre. Pour le moment… Ils en meurent d’envie, soyons vigilants.

  2. Excellent Mensuel qui a fait il y a pas pas de temps sa couverture avec ce titre :Rendez nous France Inter .Ce numéro analysé avec pertinence les dérives de cette radio du service public ,transformé en sévices public pour tous ceux qui ne sont pas dans leurs camps ;dit camp de la « bien -pensance » .Je ne suis pas étonné du surnom en interne de la pugnace batailleuse patronne de CAUSEUR .En tous cas le succès de ce mensuel est amplement mérité .Sérieux et humour ,talent varié à l’écriture .

  3. J’ignorais que madame Lévy était le cœur de causeur. J’en deviens lecteur dès cette semaine.

  4. Je vous invite à lire cet article de causeur écrit par Madame Anne Toulouse sur le wok ….
    Avec Elisabeth Lévy nous tenons là deux perles du journalisme féminin. A consommer sans modération, c’est rassurant de les lire et de les écouter . Bravo

  5. La page d’accueil de Causeur pourrait être un glaçon dans un verre médiatique, qui s’appellerait Élisabeth.
    Refroidissant, dure, et diffusant une fraîcheur immense, le tout offrant un délice au consommateur.

  6. Félicitations ! surtout Mme Levy ne changez rien, quant à votre présence sur les plateaux télé, votre vision des choses, la justesse de vos propos, votre bon sens le tout agrémenté de votre humour et de votre rire communicatif sont un pur moment de bonheur – c’est tellement rare de nos jours qu’il est bon de le souligner.

  7. J’aime beaucoup son humour, sa gouaille et sa façon de dire les choses : je la regarde très souvent sur CNews et l’écoute sur sud radio

  8. cette Mme Levy est terrible, je passe toujours de très bons moment lorsqu’elle intervient sur Cnews, son franc parler me plait

  9. Les interventions de Madame Lévy sur les plateaux de CNEWS sont vivifiants, surtout quand un autre intervenant lui coupe la parole avant qu’elle ait eu le temps de prononcer 3 mots. Ses colères sont homériques. Mais ses messages finissent toujours par passer. Et certains sont rhabillés pour de nombreux hivers.

  10. Mme Lévy est également très agréable et pertinente sur le plateau de Cnews.
    Encore trop souvent elle est obligée de rugir pour qu’on ne lui coupe pas la parole ou de lever le doigt pour qu’on lui la donne surtout lorsqu’elle a en face d’elle un Joffrin, Béglé ou Dartigolles qui sont à vomir.

  11. Elizabeth Lévy anime C News avec sa gouaille et sa personnalité qui entre parfois en conflit mais apporte toujours des arguments contre le politiquement correct qui brille sur les autre chaînes. Toutes les opinions différentes de la doxa ambiante sont à plébisciter , elles sont le dernier bastion de notre démocratie en péril.

  12. La presse de droite, peut-être, mais plutôt la presse indépendante et irrévérencieuse qui est peu nombreuse : Causeur, Bd Voltaire, Marianne. Le Canard enchaîné semble avoir changé de crèmerie. On trouve quand même beaucoup d’opposition au gauchisme-socialo caviar progressiste- woke-bien pensant sur les réseaux sociaux.
    Quant à l’autre « presse », c’est le bloc « french-gov-Pravda-oligarc » au service de la finance et de la future dictature mondiale.

  13. BVoltaire et Causeur sont deux fleurons de notre environnement médiatique, curieusement ce sont des femmes qui président nos lectures.
    La présence d’Élisabeth sur CNews est un plaisir renouvelé emprunt de toute sa malice avec une langue qui n’est pas de bois !

    1. J’ai eu l’occasion de l’entendre lors d’une conférence il y a quelques années à Mougins. Elle a été très applaudie, c’est comme ça que j’ai découvert Elisabeth Lévy, depuis je la lis et l’écoute avec plaisir

    2. Heureusement qu’il existe des publications comme B.V ou Causeur pour faire entendre des voix différentes de celles diffusées sur le service public. C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je regarde les interventions de G .Cluzel et de E.Levy sur C.News, Deux voix qui nous changent des  » voix de son maitre » où des animateurs ou animatrices se sentent investies d’une mission mystique voulant à tout prix convertir ou excommunier ceux qu’ils nomment « d’extrème droite ».

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