Présidentielle : les trois France, ou le pays déchiré

paris france

Elles émergent, scrutin après scrutin, dans le décompte des bulletins de vote. Elles s’imposent peu à peu sans mot dire. Les trois France structurent la population hexagonale en trois catégories. Hermétiques l’une à l’autre, étrangères dans les mêmes frontières, ces trois France se partagent pour la première fois très clairement les bulletins de vote des Français dans une élection présidentielle.

La première France, c’est celle des grandes villes et des quartiers opulents. La France des cadres d’entreprises multinationales, sécurisés, bien rémunérés, bien logés, néglige les frontières qu’elle franchit allègrement pour travailler, envoyer ses enfants en stages de langue ou partir en vacances. Le monde occidental et son capitalisme déraciné lui vont comme une moufle. Elle s’étend vers ceux, parmi les plus de 65 ans, qui partagent le souci d’une France tranquille, où la valeur cardinale a le mérite de la simplicité : c’est celle de l’argent, du bas de laine, de la sécurité financière. Son cri de ralliement ? Touche pas à ma poche ! Les valeurs de cette France tiennent dans un trio : les études, indispensables pour qui veut garnir son compte en banque plus tard, le travail pour la même raison et la stabilité économique pour, une fois de plus, la même raison. Cette France est volontiers sociale si on ne touche pas son grisbi, elle est écolo pour les autres, consensuelle et jouisseuse. Elle ne côtoie les autres France, surtout, que quelques instants, lorsqu’elle part en vacances à la campagne ou traverse une banlieue par nécessité, vitres fermées et regard braqué sur le volant en ronce de noyer. Ces expériences très courtes lui sont utiles et même indispensables pour entretenir son sentiment de supériorité. « Il faut être économe de son mépris à cause du grand nombre de nécessiteux », disait Chateaubriand. Une larme versée sur l’Ukraine, une autre sur les migrants lui apportent le confort ultime, celui de la bonne conscience. Et puis, si un jour les beaux quartiers s’ensauvagent, la Suisse ou les États-Unis ne nous tendent-ils pas les bras ? Cette France-là vote Macron (27,8 % des suffrages) ou Jadot (4,6 %), soit un François sur trois.

Une deuxième France, objet du mépris de la première, tente de survivre dans ce qui forme les trois quarts du territoire français. C’est la France périphérique du démographe Christophe Guilly, celle des petites et moyennes villes de province, des artisans, ouvriers, employés, fonctionnaires, des patrons et employés de PME. Celle qui se lève tôt, se couche tard, paye les traites de son pavillon, voit partir la Poste et l’hôpital et affronte les taxes, les amendes et les persécutions tatillonnes du fisc. Celle qui aime ses paysages, ses vieilles pierres, ses traditions parce que c’est son patrimoine. Elle est parfois déclassée, parfois pas du tout, mais elle vibre au Puy du Fou, écoute Zemmour chanter la France comme personne ne l’avait fait avant lui, vote Marine Le Pen, Mélenchon parfois. La France enracinée ne côtoie que pendant les vacances celle des quartiers opulents de grandes villes. Elle vote Marine Le Pen (23,1 %), Éric Zemmour bien sûr (7 %) et sans doute Jean Lassalle (3,1 %). Soit un Français sur trois.

Enfin, une troisième France vit sa vie loin des deux premières : la France des banlieues saturées d’immigration a ses territoires à part, s’organise autour de ses mosquées, s’habille distinctement, aspire les subventions du ministère de la Ville et entretient sa propre économie, légale ou non. L’été, elle ne voyage pas en Grèce ou aux États-Unis comme la première, ne fait pas de camping ou ne part pas en résidence secondaire comme la première, elle repart dans son pays d’origine où elle suscite l’envie de la famille restée sur place. La première ne croit qu’en l’argent, la seconde France a encore des restes de catholicisme au moins son dépôt culturel, la troisième se rattache majoritairement à l’islam. En France, désormais, s’entrechoquent la culture globale, la culture chrétienne et la culture islamique. Cette troisième France, à nouveau, ne croise jamais ni la première ni la seconde. Elle a voté Mélenchon (22 %), en masse, recrute à pleines brassées parmi les jeunes de toutes origines, séduit l'immigration et explose au rythme fou des nouvelles arrivées comme du taux de natalité des ménages d'origine étrangère, très supérieur aux deux autres France. La dynamique de croissance est incontestablement de son côté. Elle sait que, si rien n’est fait, elle l’emportera.

Ces trois France, pour l’essentiel, habitent des zones distinctes, ne se connaissent pas, ne se côtoient pas, ne se parlent pas, ne se comprennent pas, vivent et votent différemment. Elles portent en germe les batailles et le paysage politique de demain. La France, héritière d’un grand passé, a sans doute devant elle l’un des plus grands défis qu'elle ait jamais relevés.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Complètement d’accord avec vous Marc Baudriller . C’est un fait . C’est un constat .

  2. Pour ma part les 4 France sont les suivantes :
    La France de la Mondialisation,
    La France du Souverainisme,
    La France de l’Islamo-gauchisme,
    La France de l’Absentionisme.

  3. Cher Monsieur, pardonnez-moi !
    Faute d’ortho ?
    Il faut un « BAUDRIER » pour la France ! Celui des Croisades !
    Bien à Vous.

  4. Très juste, et la troisième France en effet est en pleine expansion « croissez et multipliez » elle sait faire , et pompe allègrement aides diverses et subventions , voir le montant de la fraude sociale dénoncée par Charles Prat (50 milliards), aucun scrupule elle a un crédit illimité sur les anciens colons qui en plus adorent se culpabiliser. Mais à part çà madame la marquise tout va très bien, et le Grand remplacement n’existe pas, et le danger est l’extrême droite et non l’islamisme qui tue.

  5. Il ne faudra jamais oublier les politicards et autres «  élites » qui auront accomplit cette œuvre ..nous savons tous qu’ils seront les premiers à fuir mais quelques uns seront chopés quand même , j’en suis persuadé

  6. En plus de mon post précédent. J’ajouterais que la société est devenu hyper-violente. Et honnêtement, même si il y en a qui sont plus hyper-violents que d’autres, chacun des 3 tiers pourrait balayer devant sa porte…chacun est, plus ou moins, à des degrés divers, responsable de cette acrimonie généralisée…

  7. Il faut unir deux de ces pays…La grande joie ça sera d’éliminer le pire chef d’état de
    toute l’histoire et de faire son devoir de Français. HARDI !!!

  8. Je rejoins votre analyse que je trouve très bien résumée. Mais une fois qu’on a dit ça, on fait quoi ? Chacune de ces 3 France existe, et qu’on le veuille ou non il faut en tenir compte. Je ne me résous pas à la division, au « chacun tire à boulet rouge sur l’autre ». C’est très difficile. Il faudrait que tombe du ciel qqu’un d’impartial, suspect d’aucune arrière pensée de la part d’aucun des 3 camps. mais ça c’est en rêve, cette personne n’existe pas. Alors quoi ?

    • « Chacune de ces 3 France existe, et qu’on le veuille ou non il faut en tenir compte. » Erreur. Deux d’entre elles existent, la troisième est en pleins croissance et va inéluctablement submerger les deux autres. Ce n’est pas le moment de supputer les options, car nous n’en avons plus si nous voulons survivre. Sinon, autant se suicider tout de suite.

  9. Monsieur Baudriller vous venez de nous décrire la « libanisation » de notre pays , très justement décelée et annoncée par E. Zemmour qui, comme tout « premier qui dit la vérité » fut sanctionné ce dimanche 10 avril …

    Parions cpdt que l’amour du pays ranimera une force supérieure capable de réunir les interêts des deux premiers clans pour leur éviter d’être dévorés par le 3ème , dont l’avancée signe LA FIN PURE ET SIMPLE DE NOTRE FRANCE . Courage , que l’espoir nous insuffle cette force !…

  10. Pour une fois qu’un journaliste écrit une vraie réalité, même si elle n’est pas très heureuse, bravo. Vous méritez toutes nos félicitations pour ce tableau expressif de notre pauvre pays. Tout cela ne peut se terminer que par une guerre civile, larvée ou non, mais il faudra bien que les comptes soient faits.

  11. Il est évident que la macronie a réussi l’émergence de la division du peuple français.
    Sur ce point précis, notre amateur de président s’est comporté comme un véritable professionnel.

  12. La loi démographique fait que dans un pays en voie de libanisation, la communauté la plus importante et la plus dynamique s’emparera du pouvoir. Cela rappelle étrangement le « soumission » d’Houellebecq. La première France fera alliance avec la 3°, ou si ça ne marche pas trop bien, une partie partira à l’étranger. La 2° subira, se soumettra, ou si cela devient invivable, partira en catastrophe, moins armée financièrement pour refaire sa vie dans un autre pays.

  13. Votre constat est criant de vérité et justesse , nous y assistons par obligation en tâchant de ne pas aggraver la situation et en accélérer le rythme mais tous les français sont ils assez clairvoyants ou préfèrent-ils fermer les yeux sur un déclin qu’ils jugent inéluctable – souhaitons que le 24 Avril soit l’aube d’une nouvelle espérance.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois