Prélèvements d’organes sur les victimes de Nice à l’insu des familles. Et le respect des morts ?

Nice promenade des Anglais

C’est une révélation sordide qu’on n’aurait pu imaginer lors d’un tel procès : celui de l’attentat du 14 juillet 2016, qui s’est ouvert le 5 septembre devant la cour d’assises spéciale de Paris. François Molins, procureur de la République à l’époque de l’attentat, aujourd’hui procureur général près la Cour de cassation, a été appelé à la barre de la cour d’appel, ce 10 octobre. Il devait justifier les prélèvements d’organes pratiqués par les médecins légistes sur les corps de 14 victimes de l’attaque terroriste. Et ceci, sans que les familles ne soient prévenues. Pour certaines, elles ont découvert après l’attaque que leur enfant avait été dépouillé de ses organes, lors de l’autopsie. Pour d’autres, ce n’est que lors de la lecture de la procédure, voire à l’audience, qu’elles l’ont appris.

François Molins s'est justifié tout en se défaussant : certes, la décision d’ordonner les prélèvements émanait bien de lui, mais il a accusé l’ex-directeur de l’institut médico-légal de Nice, Gérard Quatrehomme, d’avoir fait preuve d’un « excès de zèle » en prélevant la totalité des organes : « En toute bonne foi, les légistes de Nice ont voulu bien faire et ont fait quelque chose qui ne se justifiait pas. »

Selon lui, la procédure implique le prélèvement d’échantillons lors d’une autopsie pour déterminer avec exactitude la cause de la mort. Or, ce n’est pas ce qui s’est passé, et Virginie Le Roy, avocat d’une centaine de parties civiles, de s'interroger auprès de l'AFP dans Le Parisien : « La majorité des organes qui ont été prélevés sont des organes sains, […] qui n’ont pas été touchés ni par des balles, ni par des lésions, ni par des hémorragies. Donc se pose la question réelle de quelle est la nécessité de ces prélèvements ? Moi, je n’en vois pas. Et, d’ailleurs, le professeur Quatrehomme n’a pas vraiment répondu à cette question lors de son audition. »

Quelle que soit la chaine de responsabilité, il appartient à François Molins d’expliquer aujourd’hui aux familles endeuillées pour quelle raison il n’a appris ce qui s’était passé que lorsque le dossier s’est retrouvé entre les mains des juges d’instruction. Pour se dédouaner, s’il est encore possible d’y parvenir décemment sur un tel sujet, celui-ci concède (Le Monde): « On a manqué de vigilance là-dessus, je veux bien le reconnaître. On serait aussi beaucoup plus vigilants sur l’obligation d’information aux familles. ».

Pour quelles raisons les procédures habituelles n’ont pas été respectées ? Quels manquements graves se sont produits, qui ont conduit à une telle violation du corps des victimes et à supplicier à nouveau les familles ? Parce que la cause de la mort de ces victimes passées sous un camion de 19 tonnes semble assez évidente, et que par souci d’humanité, les investigations doivent pouvoir s’arrêter là où commence la décence et le respect dû aux morts.

Anne Gourvès se bat depuis quatre ans pour récupérer les organes de sa fille. Le Parisien relate son témoignage à la barre : « Je cherche à comprendre comment le système médico-judiciaire a pu en arriver à une telle absurdité : découper ma fille de 12 ans en morceaux pour déterminer qu’elle est décédée d’un polytraumatisme compatible avec la percussion avec un engin à haute cinétique. Tout ça pour ça. Mais on le savait déjà ! » Et dans un entretien accordé à Philosophie Magazine, elle complète : « Imaginez que l’on découpe ainsi les corps, sans rien dire aux proches, sans leur permettre de récupérer les organes vitaux. Pour moi, c’est révélateur d’une société qui va mal, qui a perdu du sens. Quand on ne respecte pas les défunts, on ne respecte pas la vie qui vient de s’achever. On ne respecte pas l’amour que leurs proches continuent d’avoir pour eux. »

Le seul espoir, aujourd’hui, permis à ces familles est celui de demander aujourd’hui la restitution des organes de leurs proches disparus. Théoriquement, ceux-ci ont été placés sous scellés. Reste maintenant à la Justice de déterminer quelles responsabilités ont été engagées et à réparer l’innommable.

Sabine Faivre
Sabine Faivre
Auteur, essayiste

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Placés sous scellés ou utilisés pour recherches, greffes, ou là encore pour la recherche, des préparations dites « thérapeutiques » … Ceci pour le bien de l’humanité à venir, n’est ce pas.
    C’est cela la nouvelle éthique à 2 francs 6 sous de notre pays en décomposition

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