
Oz ta droite ! a réussi à relancer un débat d’idées qui s’enlisait dans les tactiques et les surenchères des candidats à la primaire. Mais, dans un ensemble qui a le mérite d’affronter les sujets tabous et d’insufler un esprit de liberté (“de l’air” !), on trouve quelques mesures contestables. La plus criante est celle préconisant la fin du statut de fonctionnaire.
Certes, le poids budgétaire excessif que représente la fonction publique dans notre pays a contribué au déclin économique de la France. Mais, sur ce plan, plusieurs leviers efficaces peuvent et doivent être actionnés sans qu’on ait besoin de supprimer le statut des fonctionnaires : gestion des recrutements et des reconversions, temps de travail et âge de départ à la retraite, non-remplacement de certains départs à la retraite. La droite avait su le faire, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Mais de façon insuffisante et aveugle : on sait aujourd’hui (mais beaucoup le disaient alors) que ce n’était bien sûr pas dans la police et dans les armées qu’il fallait supprimer des postes… Et, surtout, cet effort de la droite au niveau de la fonction publique d’État avait été vain et quasiment neutralisé par l’augmentation infondée du nombre de fonctionnaires territoriaux. C’est ce levier-là que l’État central devra immédiatement actionner dès 2017.
Mais, plus profondément, il est paradoxal qu’une droite souverainiste, soucieuse de la protection des intérêts de la France et des Français dans un contexte intérieur et international chaotique, demande la disparition du statut de fonctionnaire. Certes, il serait conservé pour les fonctions régaliennes. Mais, dans un pays secoué par les tensions communautaristes, où s’arrête le régalien ? Quand c’est jusque dans nos écoles, nos hôpitaux et tous nos services publics que surgissent les revendications de ce genre. Qui les arrêtera, si ce n’est l’État ? Et où sera l’État quand il n’y aura plus de fonctionnaires et que leurs fonctions auront été déléguées à des entreprises privées, à des contractuels ou des vacataires ?
Quand les vertus d’une mesure peuvent être atteintes par des moyens plus simples et quand elle comporte de graves inconvénients, à la fois concrets et symboliques, elle doit être écartée. Et faut-il rappeler que cette mesure serait aussi une grave erreur électorale, à l’heure où une grande partie des fonctionnaires souhaitent la restauration d’un État fort ?
Oui, la droite doit oser, mais elle doit aussi oser se défaire de certaines fausses bonnes idées.
31 mai 2016