Pour Marlène Schiappa, un crime n’est jamais qu’une sorte d’incivilité

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On le sait, le mot « incivilité » dans la bouche d’Emmanuel Macron a fait quelque peu réagir sur les réseaux sociaux. « Incivilité, nom féminin : attitude, propos qui manque de courtoisie, de politesse », lit-on dans le Larousse. Il est un fait indéniable qu’assassiner son prochain n’est ni très poli ni très courtois… pas très distingué, aurait dit ma grand-mère. Un peu de tenue, Archibald (comme il est d’usage dans la presse respectable - et Boulevard Voltaire est, comme chacun sait, un média chic et distingué -, le prénom a été modifié).

Alors Marlène Schiappa, bonne fille, a tenté de faire le service après vente et l’exégèse : « Dans incivilités, on peut qualifier les faits de délinquance, les délits et même les crimes. » Et peut-être aussi les génocides, qui sont souvent l’œuvre de goujats mettant leurs coudes sur la table ? Les massacres qui signent une très mauvaise éducation ?

Marlène Schiappa a déjà dit qu’elle aimait les sorcières, peut-être parce qu’elle en est un peu une elle-même, du genre « bien-aimée » : quand elle bouge le nez, un petit tintement retentit, et là voilà revêtue de l’habit vert de l’académicien et de la toge écarlate du juriste : du dictionnaire et du Code pénal, elle ne fait qu’une bouchée. En somme, jeter son chewing-gum sur le trottoir est de même nature que manier la kalachnikov : tout est question de degré. En revanche, on se souvient que Christophe Castaner avait qualifié d'« attentat » le saccage de la permanence, à Perpignan, du député LREM Romain Grau, en marge d’une manifestation des gilets jaunes. Là, c'est bien différent et ça ne rigole plus.

Autrefois, l’été, la presse régionale n’était guère originale, on trouvait les mêmes concours de villages fleuris, les mêmes processions votives, fêtes de village, brocantes sous les arcades, foires de la grand-rue commerçante… sans parler des noces d’or de Pierre et Renée avec toute la parentèle rassemblée à la salle des fêtes, immortalisée sur une photo pixelisée. La feuilleter mollement, à l’heure du café, était une activité ordinaire du vacancier enfoncé dans sa chaise.

Aujourd’hui, de Ouest-France au Télégramme de Brest, de La Voix du Nord à l’Est républicain, de La Dépêche à Sud-Ouest, la PQR est toujours aussi uniforme, mais dans le genre anxiogène, ne favorisant plus la sieste propice à la digestion : non plus des festivités mais des incivilités. Commises par des « emmerdeurs », comme les appelle, bonhomme et trivial, Gérald Darmanin.

Mais Marlène Schiappa nous dirait sans doute qu'emmerdeur peut qualifier aussi bien le sacripant qui, de l'index et du majeur, fait subrepticement des oreilles d’âne derrière la tête de Pierre et Renée au moment du flash que le criminel qui égorge les mêmes vieillards pour leur voler le porte-monnaie.

On connaissait le mot-valise, Marlène Schiappa invente le mot fourre-tout, acmé du « en même temps ».

Comme un chanteur qui, à un concert, a pris un ton trop bas, monte outrageusement dans les aigus au coup suivant, Gérald Darmanin, pour compenser la multiplication des euphémismes, vient de lâcher le mot « ensauvagement »… sauvagement piqué, lit-on dans la presse, au champ lexical de Marine Le Pen.

Il veut, dit-il, « stopper l’ensauvagement d’une certaine partie de la société ». Laquelle et comment ? Là encore, vous demanderez à Marlène Schiappa. Sans doute d’un froncement de nez et d'un abracadabra.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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