Les « job dating », ces entretiens d'embauche express, où viennent en nombre des demandeurs d'emploi, peuvent être utiles, occasionnellement, dans certains secteurs de l'économie. Mais lorsqu'il s'agit de recruter des enseignants, c'est une autre affaire. L'académie de Versailles, la plus grosse de France, vient d'en organiser un pour recruter des professeurs en vue de la prochaine rentrée.

La rectrice de l'académie justifie, comme elle peut, cette foire de l'emploi. Selon Libération, qui rapporte ses propos, « on est en concurrence avec d’autres employeurs, c’est la raison pour laquelle il faut être assez offensif et attractif, parler de nos métiers, recruter selon des modalités efficaces, s’assurer qu’on aura des professeurs devant les élèves à la rentrée ». C'est bien connu, une rentrée est considérée comme bonne quand on a pu mettre un adulte devant chaque classe. Cela rassure les parents et donne le sentiment que tout va comme sur des roulettes. Mais, outre le fait que ces contractuels, souvent exploités, risquent fort de déchanter rapidement, c'est un écran de fumée qui cache la crise profonde du recrutement.

Quelques minutes d'entretien avec, au mieux, un inspecteur de la discipline, le plus souvent un personnel des ressources humaines qui ne connaît rien à l'enseignement, ne suffisent pas pour repérer un futur bon professeur. Les candidats attendent ensuite quelques jours la décision. Aux élus, le rectorat promet un « accompagnement » : un peu de formation à la rentrée et, pendant quelques semaines, un tutorat par des professeurs plus expérimentés. C'est mieux que rien, sans doute, mais cela suffit-il pour devenir ce que devrait être un professeur, un transmetteur du savoir ?

Cette pénurie de professeurs, qui touche, peu ou prou, toutes les académies, est la conséquence directe du manque d'attractivité du métier. C'est aussi un échec patent de la politique menée par le gouvernement qui, comme les précédents, n'a pas pris à temps les mesures qui s'imposent pour améliorer la situation. Pour susciter des vocations parmi les meilleurs étudiants et espérer qu'ils se présentent aux concours, une revalorisation des salaires serait incontestablement nécessaire. Mais cette revalorisation financière, à supposer qu'elle ait lieu, ne suffit pas. Il faut qu'elle s'accompagne d'une reconnaissance morale, qui passe par un rétablissement de l'autorité du maître et du savoir. On est loin du compte et il ne semble pas que le Président élu et le gouvernement s'engagent dans cette voie.

Le métier de professeur pourrait être un des plus beaux métiers du monde si l'on remettait le savoir au centre du système éducatif, dans la formation et le recrutement, comme dans la définition de leur mission essentielle d'instruction. Au lieu de cela, on laisse entrer dans les établissements scolaires des activités et des idéologies qui n'ont rien à y faire, on oublie que l'école doit être le temple du savoir. L'oligarchie qui nous gouverne n'en a cure. Cette école sera toujours assez bonne pour le commun des Français : eux, les initiés, connaissent les bonnes adresses.

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31 mai 2022 à 18:57

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52 commentaires

  1. Le concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs , post BEPC , après guerre , était particulièrement couru et sélectif . Idem les concours SNCF , PTT , EDF et l’armée . C’est qu’il n’y avait pas ou peu d’industries en Bretagne . J’avais choisi un département pas trop « dur » pour le concours ENI en 1956 : 423 candidats pour 23 places . Résultat : 13e / 23 ( sorti en 4e année : 3e / 27 [ 4 élèves maîtres post BAC] ) . Le département 29 : + 1500 candidats pour 45 pl. ~ 22 , + 1000 pr 40 pl. ~

  2. Je pense que c’est une excellente initiative. la qualité principale que doit avoir un professeur, ce n’est pas l’accumulation des diplômes, mais son caractère, sa capacité à se faire respecter et obéir.

  3. Dans la mesure où, pour des postes restants vacants, on recrute à l’étranger, ils devraient faire de même pour l’enseignement. Après tout, les étrangers ayant souvent un niveau supérieur à celui de la France, allez savoir si on n’y gagnerait pas au change ! Dans tous les cas, je ne suis pas sûre que ce serait pire que ce qui se projette à l’horizon.

  4. J’ai passé mon certificat d’étude primaire en 1962, mon BEPC en1964 et mon BAC en 1967 avec 1 an d’avance. Avec ces diplôme et vue le niveau d’instruction de nos grands sorciers à lumières éteintes et je pourrai être enseignent dans une université!!! et je n’ose pas dire ministre car je ne suis pas assez comédien.

  5.  » Job dating » recrutement de personnel enseignants ! les « chances pour la France  » vont enfin pouvoir enseigner , leur non formation sera donc très utile ! il leur suffira d’avoir un coran dans la main et de lire quelques sourates aux élèves qui resterons bouche baie ( ne comprenant rien ) ! Mais tout cela n’est pas important du moment qu’il y aura assez d’enseignants dans les quartiers défavorisés ! Pap sera content et macron lui donnera une médaille !!!

  6. Décidément, tout fout le camp: système de santé, Education nationale, sécurité, justice, pouvoir d’achat…Quel est l’utilité de ce gouvernement ( et des précédents) avec une pléthore de ministres, de secrétaires d’Etat, de députés, de porte-parole qui ne servent strictement à rien et n’ont d’autre ambition que de se remplir les poches, se fichant comme d’une guigne, de ce que pourquoi ils ont brigué les suffrages, à savoir, le bien commun?

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