Pour Emmanuel Macron : la France, une nation de 66 millions de procureurs. Et de combien de juges ?

MACRON

Cela faisait un moment et ça devait sans doute le démanger. Un moment, qu’Emmanuel Macron n’avait pas dit tout le bien qu’il pensait vraiment des Français. Cette fois-ci, nous serions devenus « une nation de 66 millions de procureurs ». À l’étranger, en 2018, devant un public très sélect, dont la reine de Danemark, le Président avait qualifié les Français de « Gaulois réfractaires ».

Le 21 janvier, c’est en France, à l’occasion de la présentation, sur le plateau de Saclay (Essonne), du plan d’investissement national dans les technologies quantiques (1,8 milliard d’euros), que le chef de l’État, devant, sans doute, un public très sélect aussi, s’est permis cette petite digression. « Ce qui va avec la défiance française, c’est aussi cette espèce de traque incessante de l’erreur. C’est-à-dire, nous sommes devenus une nation de 66 millions de procureurs. C’est pas comme ça qu’on fait face aux crises ou qu’on avance. » Notons tout de même un progrès depuis le coup du Danemark : il dit « nous », donc, il doit se compter dedans. C’est déjà ça.

Mais allons-y pour la « défiance française ». Alors que le gouvernement vient de se faire voter une resucée d’état d’urgence – sans doute y prend-il goût -, non pas jusqu’aux calendes grecques, mais au moins jusqu’aux marches de la campagne présidentielle, il faudrait, si l’on suit bien le raisonnement du président-philosophe éclairé, que nous fassions tout de même un petit effort pour faire confiance en ceux qui nous gouvernent. C’est, du moins, le sens du discours présidentiel faisant de la France une nation de procureurs. « Chacun fait des erreurs chaque jour », nous dit le Président. C’est donc qu’il y aurait des erreurs de commises. Comme inspiré, Emmanuel Macron lève alors les yeux au ciel d’où il pense, peut-être, tirer sa légitimité (allez savoir) et ajoute : « Celui qui ne fait pas d’erreurs ou celle qui ne fait pas d’erreurs, c’est celui qui ne cherche pas ou qui ne fait rien. Ou qui, mécaniquement, fait la même chose que la veille. »

C’est vrai : il faut beaucoup chercher avant de trouver un peu. Sauf que la conduite des affaires de l’État ne relève pas de la recherche fondamentale ou de la recherche appliquée. Sauf qu’Emmanuel Macron n’est pas Pasteur. Sauf que les Français ne sont pas des rats de laboratoire. On a tâtonné (on va dire comme ça) pour les masques, pour les tests et, aujourd’hui, pour la vaccination, mais c’est parce qu’on cherchait, que l'on cherche. On n'a pas tout fait tout bien, mais il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais, comme aurait pu dire la grand-mère de Gérald Darmanin. Alors, s'il vous plaît (et même si cela ne vous plaît pas : confer la prorogation de l'état d'urgence sanitaire), faites-nous confiance et laissez-nous travailler, c'est pour votre bien, quoi !

Nous sommes peut-être 66 millions de procureurs mais, en même temps, 66 millions de suspects potentiels : quelles sont les lois, aujourd'hui, qui ne s’accompagnent du « sous peine de » ? Sommes-nous aussi 66 millions d’avocats ? La question reste pendante. Mais, en tout cas, la France compte, en gros, une cinquantaine de millions de juges. Je veux parler, évidemment, des Français en âge de voter. Emmanuel Macron est le prévenu !

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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