C'est bien connu : l'Allemagne et l'Autriche ne sont pas des pays sérieux. Ces gens du Nord, un peu continentaux sur les bords, ça ne comprend rien, ça n'est pas rigoureux, pas réactif, pas sérieux. On pourrait expliquer leur reprise épidémique par le climat ou par la théorie des climats de Montesquieu. Mais Emmanuel Macron et Olivier Véran, à la fois épidémiologistes et grands penseurs de la décision politique, ont trouvé mieux : si ces pays connaissent un regain spectaculaire et inquiétant de l'épidémie, c'est qu'ils n'ont pas adopté, eux, le passe sanitaire. Contrairement à la France. Bienheureux Français, protégés par le passe sanitaire de notre cher Président.

C'est l'explication qui a été fournie très officiellement et très explicitement, cette semaine, par le ministre de la Santé au Sénat : « L'Autriche et l'Allemagne n'ont pas fait le choix du passe sanitaire. » C'est l'explication qui a été, à nouveau, assenée par Emmanuel Macron dans une interview à La Voix du nord, jeudi soir : « Les pays qui confinent les non-vaccinés sont ceux qui n'ont pas mis en place le passe. »

Comme vous, j'ai lu, j'ai entendu, j'ai cru. Et puis, le doute m'a pris, ma mémoire est sortie de sa torpeur et, en deux clics et trois coups de fil, j'ai obtenu confirmation : non seulement l'Allemagne et l'Autriche ont bien instauré un passe sanitaire, mais l'Autriche fut même le premier pays à le faire, quand Emmanuel Macron nous jurait ses grands dieux, et les yeux dans les yeux, qu'il n'instaurerait jamais de telles discriminations... Même le JDD, pourtant peu suspect d'anti-macronisme, a été obligé de publier, vendredi, un petit décryptage sans appel pour Macron et Véran : « Contrairement à ce qu'a affirmé Olivier Véran, l'Autriche a été l'un des pionniers du passe sanitaire en Europe. L'absence d'un tel dispositif ne peut donc expliquer la recrudescence violente de l'épidémie dans ce pays. Dès le 19 mai, les Autrichiens devaient présenter leur “passe vert” prouvant qu'ils étaient vaccinés, récemment rétablis du coronavirus ou bien testés négatifs pour se rendre à l'opéra, au restaurant ou encore dans une salle de sport. » Pour l'Allemagne aussi, Olivier Véran a menti : « La chancelière Angela Merkel a pourtant généralisé cet outil le 23 août. Depuis, des Länder ont choisi de le supprimer, partiellement ou totalement, dans les zones où l'incidence est faible, quand d'autres ont serré la vis. »

Les plus hautes autorités de l'État français, en la personne du président de la République et du ministre de la Santé, viennent de proférer, en s'adressant l'un aux parlementaires l'autre à des millions de Français via la presse régionale, ce qu'on peut qualifier d'un énorme mensonge. Délibérément ou inconsciemment ?

En tout cas, c'est bien faux. Pas du 66 % faux, 34 % vrai, comme dans certains décodages avides de nuances et davantage destinés à chercher des poux à ceux qui ne pensent pas comme la bonne presse. Le coup est énorme, car ils avaient forcément les informations : on ne peut imaginer le contraire à ce haut niveau de responsabilité. Énorme, car personne - ou presque - ne crie. Énorme, car cela concerne l'épidémie et, donc, la situation des Français à qui ils font implicitement croire que le précieux passe français les protégerait davantage que les Allemands, etc. Énorme, enfin, la façon dont ces européistes patentés (mal)traitent nos amis européens.

Il paraît que, pour la campagne électorale qui va s'ouvrir, les médias vont mettre sur pied des armées de décodeurs et de fact checkers. Il serait peut-être temps de la commencer, cette campagne, non ?

 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/11/2021 à 15:45.

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21 novembre 2021 à 11:30

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