La guerre d'Algérie revient régulièrement sur la scène des débats — Emmanuel Macron vient encore de s'y heurter il y a quelques jours —, fracture ouverte entre Français mais aussi - et surtout - entre bien-pensants de tous bords, entre une droite idéaliste de la colonisation et une gauche s'autoflagellant sur notre passé. Pourtant, ce passé colonial n'est pas si manichéen que cela.
On nous brandit comme premier argument que la colonisation a été voulue pour exploiter des populations et de nouvelles ressources naturelles. Cela est vrai, du moins dans un premier temps : Jules Ferry, figure de la gauche républicaine, a ainsi été un des grands promoteurs de cette expansion coloniale, avec des discours fleuves à la Chambre des députés vantant pendant des dizaines de minutes les bienfaits de trouver de nouveaux débouchés afin de contrer la crise de surproduction de l'époque, mais aussi pour exploiter de nouvelles matières premières dont l'Europe a cruellement besoin, avant de conclure sur une phrase (la seule, d'ailleurs, qui soit reprise par les manuels officiels) sur le devoir de l'homme supérieur de civiliser les bons sauvages.
Cependant, si cela a été la cause première de la colonisation, Jacques Marseille, membre du PCF, a démontré dans ses études que la métropole s'est, en vérité, appauvrie au profit de ces colonies, autrement dit que nous avons engagé plus de ressources que nous en avons collecté, en une sorte de transfert des richesses Nord/Sud avant l'heure, ce qui nous laisse jovial quand nous savons que la gauche dure anticolonialiste revendique une meilleure répartition des richesses vers les pays pauvres. Et si, aujourd'hui, nous sommes révoltés de l'exploitation de ces populations par nos entreprises, rappelons-nous que ces mêmes entreprises sont toujours là, exploitant toujours ce continent, mais ces populations n'ont plus de contreparties telles que l'éducation, les infrastructures ou les hôpitaux. Voilà l'exploitation véritable : elle n'est pas tant coloniale, elle est présente.
Le second argument choc est le coût humain de la colonisation. Il est, en effet, aisé de comptabiliser les pertes des peuples autochtones lors des guerres de colonisation, des révoltes et des conflits de décolonisation, et de s'émouvoir devant les centaines de milliers de morts. On nous cache délibérément l'autre plateau de la balance. Dans ce plateau, bien évidemment, nous avons les vies sauvées : sauvées par le recul des famines et disettes, sauvées par la médecine et l'hygiène, mais surtout sauvées par le calme apporté par les colonisateurs dans des zones où les ethnies et divers peuples sont en guerre permanente, et j'en veux pour preuve les millions de morts africains depuis le départ des colonisateurs, sans parler des génocides qui ne se seraient jamais perpétrés sous nos autorités. Et, à présent que ces deux plateaux sont face à nous, de quelle côté penche la balance ?
Une dernière question qui fâche : prenons Madagascar, "perle de l'océan Indien", riche de par ses pierres, couverte de routes, d'hôpitaux et d'écoles dans les années 60, et regardons-la aujourd'hui, deuxième pays le plus pauvre du monde. Et demandons aux anciens encore vivants : étiez-vous alors plus heureux, certes colonisés, quand les jeunes filles pouvaient aller à l'école, que vous aviez accès aux soins et que vous pouviez vous déplacer dans les rues sans crainte ? Je doute que la réponse plaise à ceux qui ont rangé la colonisation dans la catégorie des crimes contre l'humanité.
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