Le CDD est l’invention la plus perverse et contre-productive qui soit. Dans l’absolu, il se révèle utile aux entreprises, pour moduler leur main-d’œuvre en fonction du carnet de commandes, et même aux salariés pour bénéficier d’une expérience professionnelle qui peut déboucher sur un CDI. Mais aujourd’hui, la réalité est un peu différente, puisque 84 % des embauches se font désormais en CDD.
Comment un salarié peut-il avoir envie de s’investir pleinement pour une entreprise dans laquelle il n’est qu’en transit ? Comment peut-il construire une famille, un projet de vie, dès lors qu’il n’a aucune certitude sur son avenir ? Comment peut-il se loger s’il n’apporte pas de garantie suffisante aux bailleurs ? Comment peut-il contracter un crédit que les banques risquent fort de lui refuser ? Emplois précaires et souvent de courte durée ne favorisent pas franchement une consommation frénétique.
Sans oublier le coût faramineux pour l’UNEDIC : l’indemnisation chômage des salariés en CDD est déficitaire de 5,5 milliards d’euros par an. Globalement, le travail temporaire (CDD et intérim), s’il ne concerne que 15 % de l’emploi en France, totalise 50 % des allocations versées !
Le CDI, lui, est le Graal des employés mais devient le cauchemar des employeurs car trop contraignant : licenciement compliqué et coûteux, Code du travail alambiqué.
Alors, forcément, on s’interroge. Le chômage enfle, la conjoncture est atone, les économistes les plus rabat-joie prédisent un krach boursier imminent. Ne serait-il pas temps de moderniser la loi pour donner une chance à chacun de (re)trouver une activité durable ?
Personne n’est dupe : ce ne sont pas les mesures infinitésimales de monsieur Macron sur le travail du dimanche ou la libéralisation des lignes d’autocar qui vont révolutionner notre croissance anémique et le marché de l’emploi qui va avec.
Depuis plus de dix ans, notre nouveau prix Nobel d’économie Jean Tirole préconise la création d’un contrat unique, plus flexible que le CDI mais où les salariés verraient leurs droits augmenter selon leur ancienneté. En contrepartie, les entreprises devraient s’acquitter d’une taxe indexée sur le nombre de licenciements effectués.
Un tel système serait plus rassurant pour les employeurs, qui n’hésiteraient plus à embaucher, et plus motivant pour les actifs, notamment les jeunes, qui pourraient davantage se projeter dans le futur et entrevoir une stabilité pécuniaire. En Italie, engluée elle aussi dans une législation lourdaude (une quarantaine de contrats de travail différents), Matteo Renzi prépare une réforme d’ampleur, inspirée du modèle danois, pour mieux protéger les précaires et lutter contre un chômage des moins de 25 ans qui dépasse les 44 %.
En France, la gauche n’aura, par idéologie, sans doute jamais le cran de passer à l’acte. Si la crise perdure, les licenciements, les recours abusifs aux CDD ou aux stagiaires s’amplifieront. Le débat mériterait au moins d’être ouvert, et vite.
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