Un milliard d’euros sur trois ans seront consacrés à la mise en place de l’école numérique, en commençant dès 2015 par les classes de 5e dans 500 établissements. Trois grandes raisons sont avancées pour justifier ce changement : les futurs citoyens doivent apprendre à utiliser les nouveaux moyens de communication, l’apprentissage devient plus facile et plus agréable, le cartable s’en trouve allégé…
Sur le premier point, nous pourrions nous interroger sur la nécessité d’apprendre à utiliser le numérique à l’école : s’agit-il d’apprendre à utiliser un ordinateur ? C’est déjà, en partie, le rôle dévolu au professeur de technologie… Pourquoi, en tant que professeur de latin, devrais-je enseigner l’usage du numérique ? Le professeur de technologie ne devrait-il pas, alors, enseigner lui aussi la déclinaison de « rosa » ? Il s’agit, en effet, de demander à toutes les disciplines d’enseigner ce qui constitue la prérogative technique de l’une d’elles ! Quant à l’usage des logiciels, moteurs de recherche et sites Web, le champ d’expertise est si vaste et si technique qu’il mériterait peut-être, alors, une nouvelle discipline : professeur du numérique. Ici, la difficulté devient budgétaire et pragmatique : où trouver les fonds pour financer de nouvelles heures d’enseignement ? Sans oublier que les emplois du temps des classes sont déjà suffisamment chargés pour ne pas les lester davantage. Enfin, s'il ne s’agit que d’éduquer nos enfants à une forme de respect citoyen, il existe déjà des cours d’enseignement moral et civique dans lesquels une part consacrée au numérique pourrait être prise en charge…
En ce qui concerne la facilité de l’apprentissage, nous pouvons soulever de nouvelles questions. Quels mécanismes mémoriels l’usage du numérique implique-t-il ? La compétence mécanique, qui me permet de savoir que, dans un tableur spécifique, si j’associe deux ou plus lignes de codes et si j’utilise ensuite tel bouton pour associer le résultat correspondant aux lignes de codes sélectionnées, j’obtiendrai le résultat voulu, permettra-t-elle à une jeune personne de 8 ou 12 ans de résoudre de tête que 4 + 2 + 6 font 12 ? Cela lui aura simplement appris à utiliser un outil (un logiciel mathématique), non à intégrer, assimiler, puis restituer et appliquer à d’autres configurations une simple addition. Or, est-il plus pertinent à 12 ans d’apprendre à utiliser un outil (qui, somme toute, relève davantage de l’entreprise que de l’école) qu’à opérer de soi-même une addition ? Qu’adviendra-t-il de la capacité de cette jeune personne à compter le nombre de résidents qui se trouvaient dans un appartement en feu et à vérifier que tout le monde est sorti indemne de l’incendie si elle ne sait pas compter par elle-même ? Sans songer que l’étape suivante de nos guerres sera peut-être de créer des crises nucléaires ou de brouiller tous les appareils électroniques… Dans l’incapacité de compter par eux-mêmes, comment nos nouveaux médecins, pilotes ou scientifiques parviendront-ils à exercer leur métier avec sérénité et efficacité ?
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