Noël pour les cafés, les restos, les cinés, les théâtres et les nuls façon Castex

CASTEX

Noël pour les nuls : nulle ambition de concurrencer ici les éditions qui ont inventé le concept et déroulé la série ; ni même les papiers de vos savants journaux qui vous présentent comme derniers scoops les vraies dates de ce fameux gouverneur de Syrie Quirinius, l'erreur de ce moine du Moyen Âge qui s'est pris les pieds dans la bure des années pour faire naître le Christ avec quelques années de retard ; ni dans les aléas du règne de Constantin pour la fixation de la date de Noël au 25 décembre.

Par contre, si je vous dis Jean Castex, eh bien, je me rapproche du sujet : Noël pour les nuls. Car oui, ce Noël 2020 concédé par le Premier ministre après les révoltes des parvis est bien un Noël historique. Il a flotté comme un parfum de « ils ne peuvent pas nous faire ça », « ils ne vont quand même pas supprimer Noël ». Ce qui aurait pu être le titre d'un film familial dystopique pour les fêtes (snif, plus de ça non plus...) style « Chéri , ils ont enlevé le petit Jésus ! » a failli devenir réalité. Et en effet, au rythme où ils sont capables de nous surprendre et sans la bienheureuse révolte des parvis, ils l'auraient peut-être fait. Noël les a arrêtés, Noël a été l'exception. Ils n'ont pas osé, même eux qui osent tout.

Certains commentateurs, religieux ou philosophes, interrogés par Le Figaro sur cette exception prêtent vraiment beaucoup à Jean Castex. Rémi Brague : « Cette préférence montre donc que ce gouvernement, qui semble parfois un peu sur orbite, garde quand même quelques menues traces, non pas de christianisme, mais de sens du réel. » Pour le père abbé des chanoines de Lagrasse (Aude), « en choisissant de sacrifier la grande bamboche de la Saint-Sylvestre au profit de la veillée familiale de Noël, le Premier ministre affirme la place fondatrice de la Nativité dans notre civilisation. Il allume dans la nuit une étoile. »

Nous n'irons pas jusque-là. Pour le commun des santons comme nous, Jean Castex a toute sa place à la crèche, bien sûr, nul parmi les nuls : tous sont appelés. Mais nous ne prêterons pas de grande pensée anthropologique à cette équipe d'amateurs, le plus souvent incultes et méprisants, surtout en matière religieuse. Le fait est qu'ils ont dû reculer. Comme ils ont encore dû reculer quand ils ont voulu faire passer en douce, juste avant Noël, leur projet de loi sur la pérennisation de l'état d'urgence sanitaire. Et il y avait aussi beaucoup de ces cathos des parvis parmi ceux qui ont crié au loup le plus tôt et le plus fort.

Ce qui est inquiétant, c'est l'atonie, l'apathie du reste de la société. On pourrait nous enlever nos libertés les unes après les autres, plonger des pans entiers de la société dans la misère que le corps social ne réagirait pas plus que ça. Emmanuel Macron lui-même s'est ouvertement réjoui de la docilité des Français dans son interview à L'express : "Nous sommes un pays qui peut produire la crise des Gilets jaunes, être extrêmement dur, vocal et, en même temps, nous sommes l'un des pays d'Europe où le confinement a été le plus respecté."

Une docilité confirmée par les résultats d'un sondage du Figaro vraiment inquiétants. Réalisé avant et pendant la séquence, sur la polémique du projet de loi Castex du 22 décembre, il demandait : « Covid-19 : faut-il interdire certains lieux , certaines activités et certains déplacements aux personnes non vaccinées ? » Eh bien, sur plus de 180.000 votants, il s'en est trouvé 43 % pour dire OUI, oui aux restrictions de libertés pour les non-vaccinés. 43 %, ce n'est pas une majorité, mais tout de même. Et dire que Le Figaro est censé être le grand quotidien « libéral »...

Ceux qui râlent en se plaignant qu'on n'en fait que pour ces foutus cathos devraient, au contraire, remercier ces révoltés du dimanche, méditer ce coup d'arrêt et s'appuyer dessus pour obtenir d'autres exceptions à cette guirlande d'interdictions contestables : théâtres, cinés, cafés, restaurants... Pourtant, d'ordinaire, dans tous ces lieux, qu'est-ce qu'on parle fort, qu'est-ce qu'on gueule, qu'est-ce qu'on refait le monde ! Un pays vocal quoi, comme dit le Président. Mais l'Histoire retiendra que la révolte pour le maintien des libertés et d'un peu d'humanité est partie de la crèche et du silence de Noël.

Faut-il rappeler aux nuls, aux autres, mais aussi aux cathos eux-mêmes, que Noël ne s'arrête pas au 25 et que la révolte, comme le temps de Noël, ne fait donc que commencer ?

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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