Vladimir Poutine a menti. Il a trahi Soljetnitsyne. La Russie a envahi l’Ukraine (lire notre article « Pour une troisième voie russo-ukrainienne », 12 février 2022). Après les bombardements de l’OTAN sur la Serbie en 1999, nous pensions, nous Européens, ne plus connaître ce genre de conflit sur notre continent, bien que nous sachions que le tragique balise l’histoire des hommes.

Nous ne pouvons que déplorer l’agression d’un peuple frère. Témoigner notre solidarité française et européenne au peuple ukrainien, qui vit un martyre, est le moins que l’on puisse faire. Pour autant, diaboliser Poutine ne sert à rien, sinon à ajouter de la guerre à la guerre. Tout doit être tenté pour éviter la montée aux extrêmes ! Ce serait faire, d’ailleurs, le jeu des atlanto-mondialistes qui souhaitent des frappes de l’OTAN sur l’Ukraine. En France, l’exemple est donné par un Bernard-Henri Lévy qui s’agite, s’exaspère, s’hystérise et se conduit, comme à son habitude, comme un supplétif de l’OTAN, c’est-à-dire des Américains - en bon néo-conservateur français qu’il est -, au point de traiter Poutine de « djihadiste ». La confusion lexicale est à son comble. Si nous l’imitions, nous pourrions lui retourner le compliment, puisqu’il est toujours prompt, depuis une terrasse de Saint-Germain-des-Prés, à jouer les va-t-en-guerre en s’engageant pour des causes qui ne l’engagent pas, sauf à arborer son gilet pare-balles devant les caméras de télévision.

Il faut se défier de tout manichéisme. Le Bien et le Mal sont des catégories morales qui ne répondent pas à nos intérêts. Or, notre seul souci, à nous Européens, est l’indépendance de l’Europe, et non sa vassalisation par la Russie poutinienne ou par l’Occident américano-centré. Mathieu Bock-Côté affirmait, il y a peu, mais avec un certain sens du tempo : « Entre les rodomontades guerrières des nostalgiques de la guerre froide qui rêvent de reprendre une grande croisade démocratique contre les Russes grimés an méchants de jadis, et la fascination d’un trop grand nombre pour le virilisme poutinien, l’Europe peine à trouver sa voix et, plus encore, sa politique » (Le Figaro, 29-30 janvier 2022). Il ajoutait à juste raison : « Comment jeter un regard critique sur la Russie sans reproduire servilement celui des États-Unis, qui ne peuvent s’empêcher de toujours étendre leur zone d’influence et qui, objectivement, rêvent d’enserrer et d’encercler la Russie, sans se rendre compte qu’on n’humilie pas un grand pays sans en payer le prix ? […] On pourrait se demander si les Américains ont un souci minimal de la psychologie des peuples ou s’ils continuent, étrangement, à croire que la planète entière rêve de les imiter pour reproduire leur modèle de société, comme le croyaient encore, au début des années 2000, ceux qu’on appelait alors les néoconservateurs. » Tout cela est dit et bien dit.

Il n’empêche que Vladimir Poutine a franchi la ligne rouge : celle d’entraver la liberté des peuples, et singulièrement celle des Ukrainiens. Est-il tombé dans un piège américain ? Prend-il sa revanche sur les bombardements ukrainiens de 2014 dans le Donbass ? Est-il un national-communiste appliquant un impérialisme mortifère hérité de l’ex-Union soviétique et de « la Grande Guerre patriotique » qui a vu, quand même, Staline être l’allié d’Hitler jusqu’en 1941 ? N’appelle-t-il pas à une « dénazification » - on croyait les nazis morts depuis 1945 - pour entériner sa propagande belliciste dans une Ukraine où des néo-nazis folkloriques ne représentant qu’eux-mêmes (procéder à une telle reductio ad hitlerum rappelle la vieille propagande stalinienne qui, il est vrai, sévit toujours de nos jours en Occident) ? À toute ces questions, il est difficile de pas ne pas répondre par l’affirmative, tant Poutine paraît rompu à une stratégie discursive du temps du communisme soviétique, à l’instar du président des États-Unis Joe Biden qui semble avoir perdu la mémoire en osant parler du « monde libre » pour désigner son pays et les forces de l’OTAN.

Face à la Russie poutinienne et à l’impérialisme otanien, une troisième voie européenne peut et doit se faire jour en engageant des négociations entre Ukrainiens, Russes et Européens. Kiev a vocation à être une zone neutre (trait d’union entre l’Ukraine et la Russie). Seule la voie diplomatique peut faire cesser la guerre et ouvrir sur un traité de paix entre les parties concernées. C’est aussi une condition pour l’Europe de retrouver sa liberté et sa puissance contre tous les impérialismes. Ni Poutine, ni OTAN, Ukraine autonome… Europe indépendante !

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06 mars 2022 à 18:55

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57 commentaires

  1. Ces régiments très couleur locale ont les manières de leurs illustres devanciers, et pratiquent gaiment le pogrome dans les minorités russophones. et il faudrait soutenir un régime qui tout en commettant cela, n’hésite pas à vous faire le coup du patriote acculé, alors qu’il n’est qu’un comédien? Et nous nous enflammons pour soutenir çà? Vous avez des fils qui se touchent, là-haut? Notre intervention n’aurait jamais du être qu’humanitaire, qu’est-ce que l’UE se mêle de promettre des armes à çà?

  2. M. Guyot oublié pas mal d’éléments.
    Ni Putine (ok), ni OTAN (ok), en sus ni USA, ni UE.
    L’ Ukraine, du moins celle de l’ouest désireuse du mode de vie européen, M. Guyot devrait évoquer équitablement cette guerre civile entre frères slaves orthodoxes.
    -Serbie bombardée sans mandat, premier affront au grand frère russe.
    – Minsk non respecté et même violé par la junte actuelle.
    -Putine a averti depuis des mois et donc sans surprise a agit
    -Provoc. non stop de l’OTAN et de Zelinsky ça fait beaucoup

  3. Ces néo-nazis, que folkloriques? Ils sont bien proches du pouvoir, dites! Et les exactions dans le Dombass ont quand même causé 13000 morts, quoi que puissent dire les bonnes âmes prétendant qu’il y aurait eu 10000 tués militaires des deux camps dans ce chiffre, quelle blague! Rebelles contre armées équipées, genre régiment Azov.

  4. Europe indépendante ? mais sans armée, la seule armée opérationnelle est l’armée française et ses possibilités se limitent à des OPEX en Afrique avec l’aide des Etats-Unis.
    L’autre armée digne de ce nom est l’armée britannique, mais le RU ne fait plus partie de l’UE.

  5. Le régiment AZOV n’a rien d’un groupe folklorique , voyez ce qu’il a fait dans le Donbass et son commandement disait clairement qu’une fois le travail terminé au Donbass il irait faire le ménage à kiev.
    Et du côté des Russes il y a les bataillons tchétchènes islamistes , et bientôt si on lit Valeurs Actuelles des troupes syriennes, et la guerre civile fratricide va devenir religieuse, avec le djihad.
    Bientôt des volontaires musulmans des pays de l’UE combattant avec les Russes ?

  6. Une Europe « indépendante » ? Cela signifirait’il que la Russie ne serait pas européenne ? La Russie fait partie de l’Europe, dire qu’elle n’en fait pas partie, revient à faire le jeu des Américains. Une Europe avec la Russie est possible à condition qu’elle ne soit pas socialiste ou qu’on veuille comme certains (Américains et autres) la pousser vers le socialisme et la Chine et s’en servir comme repoussoir.

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