Multilatéralisme et économie : la leçon de la Chine avant Osaka

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À la veille du sommet du G20 à Osaka, la Chine diffuse beaucoup de messages en direction des Occidentaux, et notamment du pouvoir français. Les Chinois ont-ils remarqué que ce dernier ne maîtrise pas bien la sémantique philosophique, politique, économique ? Ou bien sont-ce les Chinois qui sont encore « grands commençants » en matière de théorie économique libérale ? Quoi qu'il en soit, les 25 et 26 juin, l'agence officielle chinoise Xinhua News Agency affirme que « la Chine défendra le multilatéralisme et s'opposera au protectionnisme au sommet du G20 à Osaka ».

Il est fascinant (mais inquiétant) de lire dans ces organes officiels que la langue de bois du national-communisme adopte aussi facilement la pensée unique du mondialo-capitalisme. Zhang Jun, ministre assistant des Affaires étrangères, a déclaré lors d'une conférence de presse : « Alors que l'unilatéralisme et le protectionnisme ont gravement affecté l'ordre économique international, l'économie mondiale est confrontée à des incertitudes et risques croissants. Compte tenu de cette situation, la Chine est déterminée à œuvrer pour des résultats positifs au sommet d'Osaka... Nous sommes prêts à travailler avec toutes les parties pour sauvegarder résolument le multilatéralisme, l'ordre international fondé sur le droit international (sic), ainsi que l'équité (sic) et la justice (sic) internationales. »

Le monde sauvé par Xi ! Sans désigner l'ennemi (Donald Trump), la Chine reprend à son compte les paroles imprudentes d'Emmanuel Macron sur des concepts mal maîtrisés, notamment les simplifications abusives qui opposent le libre commerce mondial total et le protectionnisme. Or, les choses, pour les spécialistes, sont bien plus complexes. Ainsi, au plan juridique, il existe dans les accords de l'OMC bien des causes de limitations au commerce sans freins, notamment le danger et la fraude des produits. Et la Chine en est un des hauts lieux. Mais au plan économique, il y a mille façons de « dumper » frauduleusement les prix des produits exportés, pratiques que, selon le droit économique international (des douanes et de la concurrence), on sait détecter et parfois sanctionner. Donald Trump vient de le faire sur 200 milliards de dollars d'importations chinoises. Et s'il n'obtient pas d'accord avec la Chine selon les objectifs qu'il s'est fixés, il écrasera à 25 % de taxes la quasi-totalité des importations (300 milliards de plus) d'ici quelques semaines.

Il faudra bien en finir un jour ou l'autre avec cette passivité intellectuelle qui fait accepter à tous les politiques et médias que le multilatéralisme, « c'est toujours bien et la mondialisation aussi ». Que ce seraient des voies libérales - et donc sans alternatives possibles (Thatcher) – qui conduiraient nécessairement au progrès de tous. Le fait qu'un ministre chinois invoque « le droit international, ainsi que l'équité et la justice internationales » aurait dû éveiller la méfiance. Et le vice-ministre du Commerce Wang Shouwen de renchérir : « La Chine soutient les réformes nécessaires de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour renforcer son autorité et son efficacité » (comprendre : accélérer les procédures contentieuses). La Chine espère que le sommet poursuivra la formation d'un consensus concernant le soutien au système du commerce multilatéral et l'opposition à l'unilatéralisme et au protectionnisme : « [Nous] croyons que le sommet d'Osaka poussera la mondialisation économique dans le sens d'une plus grande ouverture, de l'inclusion, du bien-être universel (sic !), de l'équilibre (sic) et des résultats gagnant-gagnant. »

Tout le monde ne semble se soucier que de phraséologie creuse mais pas des résultats que chacun devrait pourtant voir : la destruction ou la capture des outils de production dans les pays submergés. Or, il existe une loi biologique indépassable : celle de la légitimité de la survie. Tant en ce qui concerne les êtres vivants que, en économie, celle des êtres moraux que sont les nations. Folie des techniciens et sagesse du fou ? L'économie est-elle soumise à la loi du plus fort, selon des règles non votées par ceux qui en supportent les effets injustes ; ou sert-elle à assurer la survie et si possible un bonheur minimum des êtres humains ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:05.
Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

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