Mourir pour la démocratie américaine ?

drapeau USA

Tandis que peu à peu le mythe de la démocratie américaine se replie dans son antre de l’histoire, la question peut se poser à beaucoup, là-bas, qui dans le Middle West méditent sur leurs illusions perdues, comme ici, où tant d’Européens déracinés s’identifient aux Américains parce qu’ils dominent le monde, de savoir s’il faudrait, le cas échéant, mourir pour la démocratie.

Le jeu – pour autant que mourir soit un jeu ! – n’en vaut pas la chandelle, pour deux raisons.

D’abord, toute la démocratie du monde ne pèse rien devant les GAFA, la finance internationale et les médias qui lui appartiennent. Se présenter à une élection suppose d’être riche, car il faut beaucoup d’argent pour s’offrir les moyens de faire campagne, ne serait-ce que les moyens de parler aux électeurs. N’oublions pas que M. Trump est un milliardaire qui a eu la possibilité de faire campagne à deux reprises sur ses propres deniers. En 2016, il a sorti de sa poche 600 millions de dollars, tandis que Hillary Clinton, financée par l’oligarchie, en a dépensé le double, un milliard deux cents millions. Sans sa fortune personnelle, qui déjà ne lui accordait que la moitié des fonds de sa rivale, M. Trump n’aurait rien pu faire. Et c’est d’avoir été sous-estimé par ses adversaires qui a permis son élection surprise.

Même ainsi, mis à part le fait d’avoir restauré l’économie américaine, qu’a pu faire M. Trump contre l’État profond ? Le complexe militaro-industriel lui en veut d’avoir été le premier, depuis Reagan, à ne pas faire la guerre. L’idéologie fondatrice l’empêchait de faire comme M. Poutine dès son arrivée au pouvoir en Russie : reprendre aux oligarques le contrôle des médias. Pour le reste, a-t-il manqué de courage ? Il est très possible que le trumpisme ait été plus grand que Trump. En tout cas, il n’a pas rassuré l’Europe en laissant l’OTAN s’empêtrer dans ses contradictions. Et, plus généralement, il a déçu tous les non-Américains, suivant sur ce point la politique constante de ses prédécesseurs.

Ensuite, la démocratie est-elle seulement souhaitable, aujourd’hui ? Je ne parle pas, bien sûr, du déguisement démocratique qui passera comme toutes les modes, mais de la vraie démocratie. On prend pour modèle Athènes, mais c’était une cité-État, avec un petit nombre de citoyens, d’autant plus libres de débattre que la production reposait largement sur l’esclavage. Aujourd’hui, est-il raisonnable de confier nos sociétés complexes à une masse populaire hébétée par le bourrage de crâne scolaire et médiatique ? Il semble préférable de laisser les rênes à cette oligarchie que, par ailleurs, nous avons raison de critiquer, non pour renoncer à son principe, mais pour l’améliorer. La seule question est donc de savoir comment l’améliorer : c’était déjà le projet de Confucius. Ce peut être le nôtre, par le recours à des réformes institutionnelles majeures : en amont, soustraire le sommet du pouvoir aux intrigues et, en aval, mettre l’élite dirigeante le plus possible au service du bien commun.

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