Propos roboratifs que ceux de Michel Onfray confiés au Corriere della Sera (3 février), par lesquels il assène, sans appel, le verdict de mort de notre civilisation : "Oui, notre civilisation judéo-chrétienne est épuisée, morte. Après deux mille ans d’existence, elle se complaît dans le nihilisme et la destruction, la pulsion de mort et la haine de soi, elle ne crée plus rien et ne vit que de ressentiment et de rancœur. L’islam manifeste ce que Nietzsche appelle “une grande santé” : il dispose de jeunes soldats prêts à mourir pour lui. Quel Occidental est prêt à mourir pour les valeurs de notre civilisation : le supermarché et la vente en ligne, le consumérisme trivial et le narcissisme égotiste, l’hédonisme trivial et la trottinette pour adultes ?"

D’aucuns considèreront, sans doute, que le nietzschéen de Caen est par trop "décliniste", sinon horriblement pessimiste. Raccourci facile à la portée des caniches paresseux. Ce sont, d’ailleurs, ces mêmes contempteurs infatués qui, prenant leurs minces savoirs parcellaires pour une encyclopédique compréhension du monde, classeront un auteur comme Oswald Spengler - qu’ils n’auront jamais lu - dans la catégorie forcément « nauséabonde » des réactionnaires passéistes.

Onfray, en nietzschéen conséquent, est pourtant un spenglerien solaire. Ni optimiste béat, ni pessimiste lâche, notre homme est un vitaliste. Certes, à l’instar d’un Paul Valéry déclarant "Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles" (1919), Onfray prend conscience que l’âme de notre culture française et européenne se meurt "d’avoir réalisé la somme entière de ses possibilités" (Oswald Spengler, Le déclin de l’Occident, vol. 1).

Mais notre philosophe semble, tout de même, rester au milieu du gué en refusant le sens tragique de l’Histoire et de la vie. Fustigeant la "pulsion de mort" de notre "civilisation" judéo-chrétienne mercantile, il s’en tient, nolens volens, aux limites affreusement étrécies d’une axiomatique de la « soumission » houellebecqienne, laquelle, précisément, préfère l’esclavage d’une vie apeurée et vide que la mort achilléenne et honorable du noble combat pour ses principes. "Nous devons poursuivre avec vaillance, jusqu’au terme fatal, le chemin qui nous est tracé" (ibid.). Rien de moins.

On comprend mieux, alors, pourquoi il s’entête à vitupérer la guerre et à se réclamer de la « gauche », même antilibérale. Pour lui, la première "mise sur les instincts et les passions, la vengeance et la haine, la barbarie et l’inhumanité". Elle serait donc à proscrire non pour ses éventuels dévoiements (de la guerre comme continuation de la politique à la guerre dite « juste » au nom des droits de l’homme), mais parce que, prosaïquement, sur le mode simpliste du pacifisme soixante-huitard, "il vaut mieux faire l’amour que la guerre". Sommaire et infantile.

Quant à la « gauche », Onfray semble la confondre avec le socialisme, sans même voir dans celle-là la pire trahison de celui-ci, depuis l’affaire Dreyfus. Le réel saute manifestement aux yeux de cet intellectuel honnête dont le cri de révolte constitue l’authentique aveu de son incapacité à jeter le bébé gauchiste avec l’eau du bain libéral. Nous ne saurions trop lui recommander de méditer les travaux de son collègue Jean-Claude Michéa.

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4 février 2016

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