Une semaine après le vote, à l'Assemblée nationale, du texte ouvrant le droit de la procréation médicalement assistée (PMA), Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, répond à cette question : comment les catholiques et, de façon plus générale, les chrétiens peuvent-ils défendre leurs convictions ?

On mesure la grandeur d’une société à l’attention qu’elle porte aux plus petits. Peut-on dire que vous dénoncez le projet de loi Bioéthique pour cette raison ?

Cette loi met, bien sûr, en cause le respect de la vie avec le tri d’embryons et la destruction des embryons. Finalement, on en vient à une attitude eugénique. On prive des enfants de père intentionnellement et légalement. Les embryons transgéniques brisent la frontière entre l’homme et l’animal avec une généralisation du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies pour traquer les embryons porteurs d’anomalies. Toutes ces dispositions-là sont une offense profonde à la vie et aux principes d’humanité. L’humanité commence avec le petit enfant, et avant même qu’il soit petit enfant, il commence avec l’embryon dans le sein de sa mère. On fabrique du vivant et on se prend pour le créateur.

Dans un communiqué sur Facebook, vous dénoncez un passage en catimini de l’amendement sur la détresse psychosociale. Comment les catholiques peuvent-ils défendre leur conviction alors que le processus parlementaire semble pipé ?

Il faut que les catholiques le soient de plus en plus ! Au moment où il y a des ruptures anthropologiques majeures, ils doivent pouvoir trouver dans la foi, dans le mystère de l’incarnation où Dieu s’est fait homme et des ressources spirituelles profondes pour asseoir leur conviction. Il semble qu’aujourd’hui, on nous oblige, nous chrétiens, face à ces dangers et à ces périls qui menacent l’humanité tout entière, de réaffirmer ces convictions.
Devenant un groupe minoritaire, les chrétiens doivent beaucoup mieux s’organiser pour trouver des moyens de faire entendre à la société tout entière une voix qui défende l’homme à l’égard de toutes ces dérives. Il y a là un grand défi pour nous. Il me semble qu’il faut aussi être connectés, en relation profonde et en collaboration dans d’autres pays européens.
Dans le monde entier, des courants essaient, là où les législations deviennent de plus en plus libérales au mauvais sens du terme - puisque c’est une liberté qui offense l’homme et qui met en cause la dignité de la personne humaine depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle -, de développer davantage des actions réseau et de faire entendre plus fortement et clairement la voix de conscience auprès des autorités civiles.
On voit une grande partie des élites et des décideurs qui sont à la remorque de la bien-pensance des courants qui sont portés par un certain nombre de réseaux. Je crois qu’il y a une action de manifester, auprès des autorités civiles et politique, la voix pas simplement de l’Église, mais la voix de l’humanité.

On a l’impression que les catholiques qui veulent défendre la doctrine sociale de l’Église avec la dignité humaine subissent une sorte de mort sociale. Comment passer outre ?

L’Histoire en témoigne depuis les origines du christianisme, le chrétien n’hésite pas à donner sa vie pour décider. Des idées méritent que l’on donne de son temps et de sa vie. Il faut avoir le courage de ses opinions. Il y a des enjeux qui sont tout à fait fondamentaux pour l’avenir de l’humanité. Je pense qu’on a besoin, aujourd’hui, d’une parole forte. Plus on est minoritaire, plus on doit s’exprimer avec détermination sans violences et sans agressions, mais d’une manière déterminée. Notre défi est la formation d’une nouvelle élite politique. Cela commence par les nouvelles générations.
Aujourd’hui, on voit une crise du monde politique et de la pensée politique. Les grandes utopies ont fini dans la cendre et dans le sang. On est dans une politique sans vision et sans perspective. En tant que chrétien, il y a un prophétisme à développer.

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09 août 2020 à 10:58

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