François Fillon n’est pas content et entend que cela se sache. Motif de son courroux ? Angela Merkel s’apprêterait à dérouler le tapis rouge devant les pieds de celui qui marche désormais sur l’eau : Emmanuel Macron.
Pourtant, François Fillon avait lui aussi fait le pèlerinage à Berlin en janvier dernier. À croire qu’en matière d’européisme béat et de soumission à la puissante Allemagne, Macron ferait un gouverneur du Land français autrement plus convaincant, parce que plus docile, sûrement. Autrefois, certains Français avaient au moins la décence d’attendre que la guerre soit perdue avant de collaborer avec notre encombrant voisin ; désormais, il y en a qui préfèrent devancer l’appel. Gouverner, c’est prévoir, dirons-nous.
Fort des liens patiemment tissés, du temps où il officiait à l’Élysée, avec Nikolaus Meyer-Landrut, aujourd’hui ambassadeur d’Allemagne à Paris, Emmanuel Macron doit savourer ce nouveau coup pendard. Logique, le candidat du mouvement est condamné à jouer les toupies : tant qu’il bouge, il tient encore à peu près debout… Mais ce numéro de derviche tourneur a aussi ses propres limites.
La preuve par le récent soutien de François Bayrou à sa candidature, alliance inédite du tracteur et du trader. Médiatiquement, nul doute que cela fasse le buzz à courte échéance. À plus ou moins long terme, il s’agit d’une autre affaire, le Béarnais ayant tout du chat noir : en 2007, il fait tomber Ségolène Royal en refusant sa main tendue dans l’entre-deux-tours. Cinq ans plus tard, il fait chuter Nicolas Sarkozy en appelant à voter François Hollande, alors que ce dernier ne lui demandait rien. Ou de l’art de se fâcher en même temps avec la gauche et la droite. D’ailleurs, Emmanuel Macron prétendant incarner une sorte de renouvellement de la classe politique, fût-ce en trompe-l’œil, s’adjoindre les services d’un tel cheval, à la fois de trait et de retour, est-ce bien sensé ?
Pareillement, le coup de pouce donné par Angela Merkel à ce sémillant jeune homme pourrait aussi se transformer en involontaire coup de Jarnac, voire de Trafalgar, la chancelière étant de moins en moins populaire en son pays – accueil des migrants oblige – et de plus en plus impopulaire en Europe, pour cause de tyrannie budgétaire et monétaire.
Après, là où François Fillon ne devrait pas se faire trop de soucis – sa famille, qu’elle soit politique ou plus intime, lui en causant suffisamment en ce moment –, c’est qu’avec Emmanuel Macron, le pire est toujours envisageable, surtout lorsqu’en visite peu ou prou officielle. On ne reviendra pas sur ses déclarations hautement lysergiques en Algérie, mais attendons de voir ce qu’il va nous mitonner en Allemagne.
Comme nous ne saurions souhaiter la mort du pécheur, proposons-lui au moins ces quelques éléments de langage : « Adolf Hitler fut surtout un humaniste incompris et s’il s’est un peu énervé sur la fin, c’était surtout par désir de bien faire. Je vous aime ! Et toi, surtout, Angela, qui me rappelle tant ma mère. Enfin, ma femme Brigitte, je veux dire… »
Avec ce petit viatique historico-sémantique, nul doute qu’il fera fureur outre-Rhin.