Au bout d’un an à peine, j’ai perdu le goût de critiquer outrageusement le nouvel occupant de l’Élysée, de me gausser à la hauteur du petit homme, de le railler sans retenue, injustement, injurieusement, avec la constance et la sauvagerie dont il fit preuve et qu’il déploya lui-même, à son heure, dans les attaques qu’il lançait contre son prédécesseur depuis son poste avancé de l’opposition.
Au bout d’un an à peine, le jeu consistant à infliger à cette espèce de falot ce que, sans vergogne, lui et ses amis ont infligé à l’aveugle et durant des années, avec une âpreté, une opiniâtreté et une indignité éclatantes, au précédent occupant de la place Beauvau puis de l’Élysée, ne m’amuse déjà plus.
Au bout d’un an à peine, je suis déjà lassé de cet exercice qui me ressemble si peu. Jeu d’enfant, jeu facile certes, indiscutablement tentant, mais jeu puéril, jeu mesquin… que j’abandonne à d’autres. Qu'ils continuent sans moi, si le cœur leur en dit.
Au bout d'un an à peine, je réalise que ma volonté de rendre à l'un ce qu'il a donné à l'autre, en deux mots, la monnaie de sa pièce, ne relève chez moi que d'un primaire et absurde désir de vengeance qui ne me fait guère honneur.
La vengeance est un plat qui ne se mange pas… en tout cas pour moi, un plat indigeste qui, je le sens bien, ne convient pas à mon métabolisme intellectuel… d’où cette nausée qui me gagne aujourd’hui. On combat la médiocrité ; on ne s’en venge pas… sans y sombrer soi-même.
À moins que je n’aie plus faim ; c’est possible. Oui, ce doit être cela, aussi cela : j’ai perdu l’appétit, emporté par d’autres préoccupations, plus cruciales, des pensées bien sombres qui s’enroulent en écharpes noires autour de mes tripes, me serrent le cœur et me nouent l’estomac.
Aujourd’hui, au bout d’un an à peine, le petit Président à la cravate et aux idées de travers ne m’inspire déjà plus que de la pitié… simplement de la pitié… cette même pitié que m’inspire la France, mon pauvre vieux pays abandonné.