Entretien réalisé par Emmanuelle Duverger

Les dernières mesures annoncées par le gouvernement et concernant le quotient familial sont censées combler le déficit de la branche famille. Qu'en est-il réellement de ce déficit ?

Quel « déficit » de la branche famille ? Elle serait en excédent si on ne la dépouillait pas régulièrement de ses ressources : en 20 ans, on l'a privée de 16 milliards d'euros annuels de ressources pérennes. Tout récemment, c'est un prélèvement annuel de 4,5 milliards d’euros qui a été décidé à ses dépens pour combler le trou de l’assurance retraite. Or, les retraités ont aujourd’hui un niveau de vie supérieur à celui des actifs chargés d’enfant. Où est l’équité à faire pareil transfert ? Où est l’intérêt du pays à sacrifier sa jeunesse ?

Martin Hirsch, ancien haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a estimé qu' « en amorçant un rééquilibrage des sommes consacrées à la famille, le gouvernement a pris une mesure de salubrité publique ». Qu'en pensez-vous ?

Martin Hirsch a toujours raisonné comme une cymbale. Une cymbale qui cherche à se faire entendre des oreilles à la mode. Je n'ai pas de temps à perdre à répondre à ce genre de déclaration. Qu'il démontre d'abord en quoi son passage aux « solidarités » a fait baisser la pauvreté des enfants.

Existait-il d'autres solutions ?

Oui, il y a d'autres solutions.

En matière fiscale, d'abord : on a besoin de davantage de recettes fiscales ? Élevons le taux de prélèvement pour tous, de manière à ce que les couples sans enfants et les célibataires participent à l'effort. Le choix de baisser le plafond du quotient est totalement inique car il revient à taxer à un taux plus élevé les « riches avec enfants » que les « riches sans enfants ».

En matière de prestations familiales, ensuite : il est clair que les déficits de la branche vieillesse de la Sécu ne peuvent que s'accroître, compte tenu de l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom. Il est clair aussi que les dépenses maladie ne peuvent pas être maîtrisées, compte tenu de ce vieillissement de la population et des progrès de la médecine. Dès lors, il est limpide que ce sera toujours sur la branche famille qu'on va prélever pour combler les trous. Ce n'est pas nouveau : 40 % des économies du plan Juppé étaient déjà faites sur les familles.

Que faire ? Changer de méthode. Si on ne peut pas « payer » aujourd'hui toutes les familles avec des prestations familiales, on peut le faire à crédit demain.

Parce qu'il faut bien « payer » les familles si on veut d'une part faire la justice, d'autre part ne pas les décourager d'avoir des enfants. Les familles méritent d'être « payées » parce qu'elles assurent la préparation des retraites dans nos régimes par répartition. En effet, les cotisations vieillesse des actifs ne sont pas capitalisées en vue de leur retraite. Elles sont immédiatement reversées aux retraités et dépensées par eux. Lorsque les actifs partiront à leur tour à la retraite, cet argent aura disparu depuis longtemps. C’est le système de la « répartition ». Ce qui prépare la retraite des actifs, en répartition, c’est l’argent qu’ils investissent dans la génération à venir. « Chaque génération doit payer elle-même ses retraites, non par les cotisations, comme certains l’imaginent, mais par sa descendance. » Tel est l’incontestable théorème d’Alfred Sauvy.

Or, si l’investissement dans la nouvelle génération est financé à hauteur de 40 % par l’impôt ou les cotisations sociales (cet argent sert à payer l’instruction des enfants, leur couverture maladie, l’assurance maternité et les prestations familiales de leurs enfants), il est aussi financé à hauteur de 60 % par les familles. Il s’agit de l’argent dépensé par les parents (net des prestations familiales) et heures de travail domestique effectuées pour eux. Néanmoins, tout cet argent et ce temps que les familles investissent dans les enfants ne leur rapporte pas de droit sur les retraites que, pourtant, ils préparent ainsi. Au contraire, il a été démontré que plus les couples ont d'enfants, plus faible sera leur retraite (du fait des interruptions d'activité de la mère) et, naturellement, plus faible sera aussi leur épargne. Difficile de les décourager davantage ! Et d'être plus injuste !

Alors, que faire ? Accorder aux actifs des droits à la retraite en proportion de ce qu'ils ont investi dans la génération suivante au travers de leurs propres enfants et des impôts et cotisations payés pour ceux des autres.

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6 juin 2013

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