Marine Le Pen : une ennemie de la République qui a envie d’être républicaine ?

darmanin le pen

On a parfois du mal à suivre Gérald Darmanin. D’abord parce qu’il parle souvent trop vite et que son français peut être approximatif. Ensuite parce qu’il peut dire une chose et, quelques jours après, son presque contraire. La semaine dernière, c’était LE débat face à Marine Le Pen. Un débat quasiment à front renversé, si l’on peut s’exprimer ainsi et si l’on en croit les commentateurs… et Gérald Darmanin, trouvant la présidente du Rassemblement national « trop molle ».

Du coup, il a fallu appeler Castaner à la rescousse, ce week-end, avec son gros rouge qui tache : « Marine Le Pen est une ennemie de la République. » Carrément. L’ennemi, si on a bien suivi, c’est bien celui qui vient « égorger nos fils et nos compagnes » ou on a raté quelque chose ? On ne va pas disserter sur le républicanisme du Rassemblement national, ci-devant Front national, qui a fait, non pas « toutes les guerres », comme chante Francis Cabrel, mais toutes les campagnes électorales de notre Ve République depuis plus de quarante ans, en en perdant beaucoup, en en gagnant quelques-unes aussi. Ce mouvement politique dont les statuts sont légalement déposés en préfecture doit bien « l’aimer à mourir » (toujours comme Francis Cabrel !), cette République, pour se plier de bonne grâce à ses lois, notamment électorales. Mais là n’est pas le sujet. Le sujet, c’est Darmanin.

La semaine dernière, au cours de ce face-à-face, le ministre de l'Intérieur s’adresse ainsi à Marine Le Pen, juste avant de lui reprocher sa mollesse : « La laïcité, c’est une grande valeur de gauche. Historiquement, c’est une valeur de gauche. La droite s’en est ensuite emparée, comme tous les républicains. C’est une très bonne chose. Moi, je suis républicain et c’est ça qui m’intéresse et je pense que Madame Le Pen, elle a envie, elle aussi, d’être républicaine. » Léa Salamé, à l’affût, lance alors : « Marine Le Pen est républicaine », du ton de celle qui attend une confirmation de ces propos qui tombent comme un scoop. Confirmation qui ne vient pas, puisque le moulin à paroles embraye sur la désormais célèbre mollesse. Curieuse formule, d'ailleurs, que cette phrase : « Marine Le Pen a envie d’être républicaine. » Pour ne pas dire (cela lui aurait sans doute arraché la bouche) que Marine Le Pen est républicaine. Formule alambiquée. En effet : on est ou on n’est pas républicain. C'est pas une question d'envie. Ou bien, là aussi, on a raté quelque chose. Du reste, que signifie être républicain ? Mais là n’est pas le sujet. Le sujet, c’est Darmanin qui, en disant cela, a accordé, en quelque sorte, un brevet de républicanisme à Marine Le Pen. Disons, à défaut des félicitations du jury, avec ses encouragements !

Mais comme il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, Gérald Darmanin a entamé ce que d’aucuns qualifieraient de rétropédalage en déclarant, ce mardi 16 février, sur RTL : « Ce qui est sûr, c’est que l’argument moral contre le Front national ne suffit pas […] Qu’est-ce qu’on va dire ? Simplement que Marine Le Pen n’est pas gentille ? C’est vrai qu’elle n’est pas gentille, c’est vrai que c’est une ennemie de la République, mais ça ne suffit pas... » Passons sur le « C’est vrai qu’elle n’est pas gentille » : à défaut de prendre les Français pour des imbéciles, on peut toujours s'adresser à eux comme à des gamins dans la cour de récré.

Donc, pour résumer, et si nous avons bien suivi la rhétorique « darmanesque », Marine Le Pen est une ennemie de la République qui a envie d’être républicaine. Compliqué, tout ça, non ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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