Les combats s'intensifient au Mali. Et risque de durer encore longtemps malgré l'appui des drones américains. Pour Bernard Lugan, nous payons des mois d'inaction qui ont permis aux islamistes de se renforcer. Explications.
Le Tchad a annoncé vendredi soir avoir tué 65 djihadistes. On nous parlait pourtant d'une poignée d'islamistes terrorisant la population : ils ont l'air un peu plus nombreux que ce que l'on voulait nous faire croire, non ?
Je n’ai pas cette lecture des événements. La réalité est que les islamistes sont cernés dans le massif des Iforas. Au Nord et à l’Est, les Algériens, au Sud les Tchadiens en bouclage et à l’intérieur, les forces spéciales françaises et les Touareg… Les islamistes qui sont « faits comme des rats » ont tenté une sortie et ils ont été étrillés par les Tchadiens qui ont essuyé des pertes.
En revanche, nous avons un gros problème là où l’armée malienne est engagée, à Gao et à Tombouctou notamment car elle est totalement inefficace, à l’exception du bataillon du colonel touareg Ag Gamou lequel opère actuellement dans la zone des Iforas.
Nous bénéficions désormais de l'appui des « redoutables drones américains Predators ». Au total, une centaine de personnels militaires américains seront déployés au Niger pour l'intervention de ces engins. Décidément, l'intervention pourrait durer plus longtemps que prévu. N'est-ce pas la France et l'Occident qui, dans quelques temps, risquent d'être rendus responsables de la guerre ?
L’intervention durera encore longtemps car nous payons des mois d’inaction, politique engagée sous le précédent quinquennat et poursuivie sous l’actuel jusqu’au moment où les islamistes menaçant de prendre Bamako, il fut, dans l’urgence, décidé d’intervenir. Durant ces longs mois, les islamistes se sont renforcés. Nous voyons aujourd’hui à quel point la politique française qui mettait en avant l’idée de non intervention mais de formation des contingents africains était une vue de l’esprit. S’il n’y avait pas eu l’opération Serval, qui, parmi les Africains aurait pu aller nettoyer les Iforas ?
Le MNLA refuse la présence des soldats maliens, mais assure collaborer avec la France : n'est-ce pas un signe que la France ne pourra pas se désengager si facilement ?
La vraie question est de savoir comment résoudre le problème suivant : sans les Touareg, nous ne prendrons pas le contrôle des Iforas. Or, ces derniers ne veulent pas de l’armée malienne chez eux… Comme Bamako va vouloir exercer sa souveraineté sur le territoire reconquis par les Français et les Tchadiens, que peut-il alors se passer ?
Nous en revenons donc au début de la crise, c'est-à-dire à la revendication touareg, tout le reste étant en réalité secondaire, à commencer par la question islamiste qui est venue se greffer sur le problème des Touareg comme je l’ai expliqué sur mon blog. Depuis le déclenchement de l’opération Serval, la question malienne a bien été gérée car François Hollande a eu l’intelligence de laisser faire les militaires. Tout va se compliquer quand il va falloir passer au règlement politique car les cerveaux à nœud du Quai d’Orsay qui sont furieux d’avoir été doublés par les militaires vont à nouveau vouloir imposer leur approche idéologique totalement coupée des réalités sahéliennes.
La France a mis en garde contre des risques d'attentat ou d'enlèvement au Bénin : une démocratie est-elle « équipée » pour se battre contre des terroristes ?
N’étant pas un démocrate fanatique, je ne suis mal placé pour répondre à cette question. D’instinct, ma ligne serait celle du sire de Montmirail dans « Les Visiteurs » : « Je vais en trancher quelques-uns et la foule se calmera. » Mais vous conviendrez avec moi qu’une telle réponse n’est pas totalement politiquement correcte…
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