Macron réticent sur l’allongement du délai légal de l’avortement : et s’il avait raison ?

FEMME ENCEINTE

La proposition de loi de la députée Albane Gaillot allongeant le délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines était dans les tuyaux depuis des mois. Les lobbies ont parallèlement mené un travail assidu de pressions sur le gouvernement pour le faire adopter avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron.

Christophe Castaner n’avait pas caché sa volonté de soutenir ce texte, jugeant, selon la rhétorique habituelle, qu’il fallait répondre aux détresses des femmes obligées de se rendre à l’étranger au-delà du délai légal français. Que contient cette proposition de loi soutenue avec ferveur par Albane Gaillot ? Il s’agit ni plus ni moins que de légaliser la mort techniquement assistée d’un fœtus de 14 semaines en plein développement et totalement constitué.

C’est donc chose faite : l’Assemblée nationale a voté, le 30 novembre, l’allongement du délai légal de l’IVG à 14 semaines, et le texte a été inscrit à l’ordre du jour du Sénat en janvier 2022, avec le soutien des associations, de LREM et des féministes. Nul, en dehors de quelques rares voix courageuses parmi les évêques français ou les partis politiques, n’a dénoncé ce texte qui contient pourtant une régression sans précédent de l’éthique médicale.

Emmanuel Macron avait pourtant suscité lui-même l’opprobre des lobbies pro-IVG en évoquant, dans le magazine Elle, en juillet dernier, une dimension réelle mais taboue : « Je mesure le traumatisme que c'est d'avorter », avait-il dit. Ceux-ci ne lui avaient pas pardonné cette phrase, qui révélait pourtant pour la première fois, d’une façon décomplexée à la tête de l’État, le lien entre l’IVG et le drame psychologique que celle-ci représente dans la vie des femmes.

Pourtant, malgré la vindicte publique dont il avait fait l’objet, le chef de l’État a renouvelé ses réticences lors de son dernier voyage à Rome. « Je n’ai pas changé d’avis », a-t-il dit. « Des délais supplémentaires ne sont pas neutres sur le traumatisme d’une femme », selon des propos rapportés, fin novembre, par Le Figaro. Mais d’ajouter : « Après, je respecte la liberté des parlementaires. »

Cette première phrase, dont on peut saluer le courage, interpelle cependant : si l’IVG est un traumatisme pour les femmes, que signifie l’expression sur les « délais supplémentaires » ? Si le délai concerne le débat lui-même, en quoi le fait de le prolonger permettrait d’en atténuer la charge émotionnelle ? Par contre, si le traumatisme post-IVG est une réalité - ce que nous croyons -, alors il faut tout mettre en œuvre pour le prévenir : et pas en ouvrant un peu plus la boîte de Pandore de l’allongement du délai légal.

De nombreux médecins, parmi les plus influents, dont le professeur Nisand, s’étaient exprimés en défaveur de ce texte. Qu’à cela ne tienne, le texte est passé à l’Assemblée, mais il risque d’être retoqué au Sénat, à majorité conservatrice. On s’attend, évidemment, à ce qu’avec les jeux de navettes, le projet aboutisse, moyennant quelques toilettages. Mais même un toilettage, sur un texte foncièrement mauvais, indigne, amoral, disons-le, est à encourager par tous les moyens.

Sur le fond, il faut que les sénateurs se saisissent de la dimension psychologique évoquée par le chef de l’État en ouvrant la voie à la tenue d’états généraux de la périnatalité, qui puissent se pencher sur les enjeux et risques psychologiques du deuil prénatal. Pour que la santé psychique des femmes soit réellement prise en compte. C’est ce que demandent tous les vrais défenseurs de la cause des femmes.

Sabine Faivre
Sabine Faivre
Auteur, essayiste

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