L’Ukraine tient le choc de la haute intensité : et nous ?

soldats français

Depuis trois jours, l'Ukraine force l'admiration. Abandonné par les États-Unis, délaissé par l'Occident dont les sanctions financières ressemblent beaucoup à une balle dans le pied pour sa propre économie, ce pays lointain et pourtant dramatiquement proche (trois heures d'avion) tient le pavé avec un héroïsme dont nous pensions avoir perdu la recette. Son président, Volodimir Zelensky, est sur le front, en treillis. Entouré de ses ministres, il a posté une vidéo dans laquelle il crie « Gloire à la patrie ». Une certaine droite française, qui se réveille de l'hypnose, découvre que Poutine n'est pas seulement « un chef, un vrai », mais aussi un adversaire au comportement parfois totalement imprévisible, qui ne mérite pas davantage de fascination que Xi Jinping. C'est un patriote, mais il ne vient pas de notre patrie. Rappel salutaire.

Pourtant, malgré la résistance admirable des Ukrainiens, l'armée russe avance. Elle maîtrise la guerre moderne, que l'on dit hybride, c'est-à-dire la simultanéité entre conflit classique, désinformation, conquête de la supériorité aérienne et actions spéciales voire clandestines. Les troupes russes ont recours à la perfidie (port d'uniformes ennemis pour conduire des opérations, de sabotage notamment) au mépris des conventions internationales. On n'avait pas vu ces procédés depuis la Seconde Guerre mondiale, avec l'opération Griffon de Skorzeny ou les coups de main des opérateurs britanniques de Forest Yeo-Thomas.

Cela nous amène fatalement, nous, Français, à nous poser la question de notre propre niveau de préparation à la haute intensité. Le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard, a vu depuis longtemps ce retour de la guerre de masse. Il a placé ce concept au cœur de sa vision stratégique. Est-ce suffisant ? Une mission parlementaire a remis, le 17 février, ses conclusions, dont il ressort que l'effort doit être poursuivi et que le retour d'un conflit de haute intensité ne doit plus être écarté.

Certes, les armées françaises sont aujourd'hui les plus capables de l'Union européenne. Elles surclassent peut-être même celles du Royaume-Uni, épuisées sur le long terme par leur engagement en Afghanistan. Pour autant, si l'outil militaire français sait tout faire, ses capacités demeurent échantillonnaires. La France n'a que quelques jours de profondeur, notamment du fait d'une mauvaise prise en compte, structurelle en France, de la logistique, spécialité ingrate mais vitale, qui est tout simplement l'irruption du réel dans la manœuvre. Chez nous, le chef est fantassin ou cavalier, et tout ce qui n'est pas noble (les appuis, le soutien ou le renseignement en particulier) doit entrer au chausse-pied dans la manœuvre. L'habitude des exercices fictifs nous cause du tort depuis longtemps.

Si une remontée en puissance a commencé et si les députés considèrent qu'elle doit être poursuivie, une clé intéressante se trouve dans ce rapport, tout autant que dans le retour d'expérience de l'Ukraine. Ce qui fait durer une nation dans un conflit de masse, c'est certainement le nombre, c'est aussi le soutien et ce sont, à n'en pas douter, les stocks. Mais ce qui est en train de donner du temps aux Ukrainiens, c'est leur patriotisme. Nous avons perdu jusqu'au sens de ce mot. Les auteurs du rapport parlementaire insistent pourtant, avec justesse, sur la résilience de la nation dans son ensemble. Notre armée est solide, mais elle ne doit pas être le seul rempart. Ce serait commettre à nouveau l'erreur de 1940 : espérer que l'armée gagnera et se réfugier dans le déni en attendant de devoir fuir.

Ici même, sur Boulevard Voltaire, les commentaires se bornent souvent à regretter que les jeunes d'aujourd'hui ne soient plus ce qu'ils étaient. Au sommet de l'État, on n'a rien d'autre à offrir que les « valeurs de la République ». Or, pour gagner un conflit majeur, il faut être fanatique. Les Russes ne s'y trompent pas. Lisez, par exemple, le dernier numéro de Paris Match, qui consacre un reportage à la société Wagner, faux nez des ambitions de Poutine. Un ancien opérateur conclut l'article en affirmant tout simplement que la Russie sera toujours en guerre contre l'Occident, parce que c'est une question de valeurs.

Il faut, en effet, de solides raisons de vivre pour être capable, quand on est affamé et apeuré, d'en faire des raisons de mourir. Peu nombreux sont ceux qui mourraient pour les 35 heures, la Sécu ou Bruxelles. Si nous voulons être prêts à tenir, nous aussi, le choc de ce genre de conflit, le réarmement moral est le plus important. La bonne nouvelle, c'est que ça ne coûte pas cher et que ça peut aller vite. La mauvaise, c'est que notre pays repu et fracturé repart de zéro.

En d'autres termes, à la question « Sommes-nous prêts à engager notre armée dans un tel conflit ? », la réponse est « Oui, mais pas sans notre peuple ». La balle n'est plus dans le camp des militaires, qui ne sont plus uniquement une force expéditionnaire destinée à projeter notre puissance et à lutter contre le djihadisme armé. Elle est dans notre camp à nous, simples citoyens. C'est pour nous qu'a sonné l'heure des choix inconfortables.

 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/02/2022 à 21:00.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

122 commentaires

  1. On constate avec plaisir que la grande majorité des lecteurs de Boulevard Voltaire ne suivent pas le discours politiquement correct de cet auteur.

  2. On pourrait déjà commencer par incorporer tous les migrants, ceux qui ont obtenus une double nationalité dans des groupes armés en direction de l’Ukraine, les sans papiers également; à leur retour, ils obtiendront la nationalité. Un court séjour à la légion pour les mettre dans le bain et en route et ceux qui s’y refusent, expulsés du territoire français avec interdiction d’y revenir.

  3. Quelle proportion de Français saurait-elle aujourd’hui approvisionner et armer un pistolet automatique sans se tirer une balle dans le pied ?

    • C’est la moindre des choses mon cher Watson, un pistolet ce n’est que le B A BA, j’en connais un rayon, pas juste dans les armes individuelles.

  4. M. FLORAC, vous parlez des « stocks », vous souvenez-vous des masques ? La France après avoir désarmé ses citoyens par le décret de sarko en novembre 2005, n’a même pas de stock d’armes légères pour distribuer aux citoyens, car on n’en produit plus, ni de munitions !
    Mourir pour tous ces politiques, des plus petits au plus grand qui se gavent sur nous, non merci. Les « valeurs », c’est la France, pas cette U.E totalitaire, ni cet OTAN provocatrice
    Sortant de l’OTAN et FREXIT !

    • On ne distribue pas d’armes aux citoyens qui ne sauraient pas s’en servir, ça commence au pas de tir et ne dites pas que nous n’avons rien, c’est faux.

  5. Pas de munitions mais nous avons une armée de commentateurs prompts à débattre, à casser du russe et chanter la gloire des combattants ukrainiens.
    A la télé la guerre c’est 24/24 et même le covid a du en rabattre.
    Avec Macron en chef de guerre, nous sommes bien lotis…il discute avec la planète entière mais les emmerdes des francais, il s’en fout, il casse l’agriculture en décidant du boycott russe sans voir que les allemands ménagent leurs intérêts en choisissant bien les bonnes sanctions.

  6. Nous ne sommes pas fichus de mettre de l’ordre dans nos banlieues et nous voulons affronter l’armée Russe mais quelle prétention !! Comme disait Audiard , quand un homme de 120 kg parle celui de 60 écoute !!!

  7. autrefois nous avions des usines de fabrication d’armes (Tulle,Chatellerault St.Etienne) et de munitions (toulouse entre autres) mais on a tout sabordé pour acheter à l’extérieur (Allemagne Israël) du coup armement très limité et munition rares, avec quoi va-t-on se battre? nous tiendrions 3 jours en conventionnel et serions détruits en 2h si nucléaire ; les va-t-en guerre seront où?

    • J’espère que nous n’interviendrons pas avec notre armée car Macron serait responsable de la mort de milliers de nos jeunes gens sacrifiés au vieux Biden.
      Comment pourrions nous le lui pardonner? De même la France n’a pas à prendre partie dans ce conflit n’étant menacée ni par l’Ukraine ni par la Russie. Ni l’une ni l’autre ne porte atteinte à ses intérêts.

  8. Au long terme, lorsque les pays de l’Est s’apercevront que le tonton américain utilise exclusivement l’OTAN comme une agence de publicité pour ses F35 et ce qui va avec, la France de Z pourra pourra leadershipper l’Europe. Mais il y faudra du temps. Nos petits enfants le verront peut être.

    • J’attends avec délectation le premier engagement des F35 dans un conflit armé. Sa seule capacité avionique étant les pressions de Washington et volant comme un sabot, on pourra alors se tenir les côtes.

  9. Belle analyse pertinente. Mais ne rêvez pas, les Français sont plutôt du genre « Armons-nous et allez-y »… Comme vous le dites, la Sécu, les 35 heures et les prébendes distribuées par l’État sont bien plus importants pour leur petit confort franchouillard.

  10. (Suite)
    Si l’Ukraine s’engage par un vrai traité qu’elle respecte, la paix est possible.

    Mais les USA sont derrière et ce sont eux qui contrôlent Ukraine et pays Européens et poussent à la guerre.
    Objectifs : « fatiguer » la Russie (effort de guerre), la couper de l’Europe, affaiblir l’Europe… pour tenter de garder leur leadership mondial.
    Ce qui nous conduit à terme à une catastrophe, pour notre civilisation, dont font partie européens, américains et russes.

    • Vrai, mais à tempérer par le fait que Poutine reste un admirateur de Staline et des tsars ! C’est un homme politique qui aime son pays et qui s’est préparé pour un temps long, comme la caste financière états-unienne (« mondialiste ») qui veut le neutraliser en utilisant ses vassaux : Canada, Union européenne, Japon, principalement. Les peuples européens ont abandonné leur avenir aux financiers et se laissent remplacer par les peuples africains. La solution n’est pas dans les discours …!

    • Pour forcer le respect, il faut que les états soient tous pacifiques, que font les sites de lancement de missiles balistiques à têtes nucléaires ou conventionnelles de la Russie massés aux frontières de l’UE ? Vous avez, sans doute, vu la carte avec leurs positionnements ? Les capitales européennes sont à leurs portées, cela ne vous dérange pas ? J’intègrerais l’Ukraine et la Finlande dans l’OTAN.

  11. La Russie est en position de pays agressée, Moscou à quelques minutes des missiles en cours d’installation de l’OTAN, en Ukraine,
    La seule exigence russe, c’est que l’Ukraine reste hors de L’OTAN.
    C’ est une exigence minimale, dont dépend la sécurité intrinsèque de la Russie.
    Toute personne correctement informée et intellectuellement honnête doit le comprendre.
    Si l’Ukraine s’engage par un vrai traité qu’elle respecte, la paix est possible.

    • Avez-vous vu où sont stationnés les missiles russes sur la carte ? Massés aux portes de l’UE, à portée de toutes les capitales européennes. Cela ne vous dérange pas ? Les russes se sentaient concernés par les missiles en Ukraine. Donc, vous acceptez d’être sous la botte des russes, sous leur domination ? C’est ce qui ressort de votre commentaire. Pour faire bonne mesure, je mettrais l’Ukraine et la Finlande dans l’OTAN.

  12. La « résistance » ukrainienne est le résultat d’une avancée prudente des forces russes qui cherchent à éviter les victimes civiles. Il est évident que les russes ont les moyens techniques d’anéantir l’Ukraine en quelques heures, mais ce n’est pas leur but.

  13. Le patriotisme et donc le don de soi ne se décrète pas . Et il l’avoir en soi, viscéralement. Il faut aussi avoir des chefs en osmose avec cela, et qu’on le ressente simplement dès qu’on les voient ou les entendent, pour que l’on les suivent. Ça n’est pas le cas aujourd’hui de ceux qui nous gouvernent, et je n’oublie rien des déclarations du Président Tartuffe au pouvoir. Et toutes leurs rodomontades… Gouverner c’est prévoir, il y avait les accords de Minsk, il fallait les appliquer .

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