Livre : La Démocratie au péril des prétoires. De l’État de droit au gouvernement des juges, de Jean-Éric Schoettl

La loi est l’expression de la volonté générale. Enfin, elle l’était. Le mythe de la loi souveraine tenait car, sur le plan démocratique, l’élection de parlementaires au suffrage universel n’apparaissait pas comme une incongruité. Bien sûr, le système avait ses limites, à l’image de la démocratie représentative : parlementaires bridés par les partis politiques ou commission des finances toute-puissante à l’Assemblée nationale agissent comme un Parlement dans le Parlement.

Il y avait néanmoins un mérite à ce système, qu’il est difficile de ne pas lui reconnaître : une certaine modestie. Une majorité peut se tromper, comme n’importe quel être humain. C’est justement parce que ce système était à l’image de l’être humain, avec ses forces et ses faiblesses, qu’il inspirait, somme toute, une certaine confiance.

Il lui a été substitué, de manière subreptice, depuis une quarantaine d’année, un autre système, plus prétentieux qui, davantage que sur la volonté de la majorité, se fonde sur les valeurs. Au-dessus des lois, il y a désormais des valeurs qui s’imposent aux États, aux peuples et aux citoyens. Ces valeurs, que l’on appelle parfois libertés fondamentales, priment sur tout le reste, y compris sur la volonté du peuple lorsqu’il s’exprime par référendum. Sur ces valeurs qui ont ceci de fascinant qu’elles sont à la fois universalistes et européanistes, individuelles et catégorielles, ethniques et communautaristes ; enfin, tout, sauf nationales : le juge, autrement dit le gardien du temple, veille.

Parce qu’il est un sage, il peut même se permettre d’aller beaucoup plus loin. Du contrôle de la conformité de la loi à la Constitution, il est passé au contrôle de sa conformité aux libertés fondamentales, ces fameuses libertés qui sont bonnes pour tout le monde sauf pour les citoyens et les États. Ces libertés, il peut même les créer si l’humeur lui en dit.

Dans sa tâche, il est aidé par des associations militantes dotées de la capacité de se porter parties civiles, des autorités administratives indépendantes comme le Défenseur des droits, des organismes non gouvernementaux et, par-dessus tout, par les institutions européennes, aussi bien celles de l’Union européenne que de la Convention européenne des droits de l’homme. La primauté du droit international et européen ne laissant aucune chance à une institution nationale qui tenterait de résister.

Jean-Éric Schoettl, dans La Démocratie au péril des prétoires. De l’État de droit au gouvernement des juges, publié chez Gallimard, cette semaine, analyse ce phénomène. Il montre comment il s’est opéré, comment « l’État de droit » a été érigé en veau d’or par des gens qui y trouvaient leur intérêt.

Il montre comment la montée en puissance de cet « État juridictionnel » est devenue la norme. Un phénomène d’accoutumance s’est opéré. Et gare à ceux qui seraient tentés par la résistance. La Pologne ? La Hongrie ? Elles n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes. Les traités ne disent rien en matière d’avortement, de mariage entre personnes de même sexe ! Ils ne disent rien sur le statut des magistrats ! Seulement, il y a les valeurs fondatrices de l’Union européenne. Des valeurs fondatrices qui n’existaient pas au moment de la fondation. Mais comme il a été décidé qu’elles avaient le statut de valeurs, elles sont devenues fondatrices a posteriori. Il fallait y penser avant.

Ramu de Bellescize
Ramu de Bellescize
Maître de conférence à l'université de Rouen

Vos commentaires

16 commentaires

  1. Robinson
    J’approuve cet article . La solution : Demander à Poutine de faire le ménage en Europe .
    Je rigole , mais quand toutes les voies de recours pour arrêter cette aberration qui place « Les valeurs » au dessus de tout et surtout au dessus des lois votées par le peuple (leurs représentants en principe) alors , quelle solution ?

  2. Théorie Darwinienne (évolution, sélection) appliquée aux Lois dans un Univers oppressant et dévoyé ?
    Appropriation des Lois par une Dictature mondialisée ?
    Au choix !

  3. Pourquoi faire appel quand on est justiciable ? Tout simplement parce que d’un juge d’instruction à un autre, la conclusion peut être bonne pour soi ou contre soi, souvent à l’interprétation de ce dernier !

  4. Un imbécile se reconnaît à la confiance qu’il a dans la Justice – surtout pénale- ironisait François Brigneau.

  5. Depuis longtemps on constate que la justice constitue un état dans l’état sans que personne ne s’attaque au problème.
    Quand on sait qu’un juge qui commet une erreur, voire une faute doit en répondre devant ses pairs…
    Imagine-t-on un employeur indélicat à l’endroit d’un membre de son personnel se faire sanctionner devant le MEDEF ???
    L’institution judiciaire, ce fardeau qu’il est urgent de réformer.
    CQFD

    • « Quand on sait qu’un juge qui commet une erreur, voire une faute doit en répondre devant ses pairs… » Oui, et la pire chose qui puisse lui arriver, c’est d’être nommé ailleurs… avec une promotion !

  6. Des juges qui défont les lois nationales au profit de lois européennes, un gouvernement, un parlement, qui obéissent aux injonctions européennes de non-élus, qui dépendent du réseau financier mondial, voilà comment la France est dépossédée de sa souveraineté et son peuple de sa liberté. La voie est toute tracée pour la dictature qui profitera à une « élite » fort restreinte.

  7. Cette « nouvelle » suprématie du droit européen sur les droits des nations, est le parfait exemple pour « définir » l’origine du Brexit.
    En effet, le « droit européen » entré en collision frontale, et de plus en plus se substituant au « droit britannique », fut la première étincelle qui produisit la marche vers le Brexit.
    Les spécialistes du droit Britannique n’ont jamais accepté que des « fonctionnaires étrangers » minimisent leurs prérogatives, étincelle qui conduisit à l’explosion !

      • Je n’ai jamais dit que c’est « déraisonnable ».
        Voilà 26 ans que je réside en Grande-Bretagne, 26 ans que j’ai quitté la France qui se dissout dans l’Europe…
        Cette Europe qui n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu et souhaité jeune (71 ans).
        Les britanniques ont montré le chemin.
        Je suis horrifié par ce que je vois, une allemande à la tête de l’EU, un Allemagne qui se réarme dans un silence assourdissant…

  8. Un livre utile mais qui ne cure pas la plaie. Il pose certes la bonne question: que faire pour restaurer une juste séparation des pouvoirs ? Mais SEULS les justiciables et leurs avocats connaissent l’étendue du mal dont ils ont été victimes. Et en connaissent les causes multiples : évidemment le manque de juges. Mais aussi le manque de contrôle, l’impunité et l’irresponsabilité pour leurs fautes : incompétence, et plus grave, juges corrompus et politisés, parjures qui n’appliquent plus la loi.

  9. Comme le démontre jean-Louis Harouel dans son livre – Les droits de l’homme contre le peuple – la nouvelle religion des Droits de l’homme qui nous gouverne, a ses grands prêtres , les juges nationaux et internationaux , qui créent le droit , en créant des grands principes , et encadrent et soumettent les lois votées par les élus du peuple.

  10. La célérité n’est pas habituelle en justice. Pourtant elle fût exemplaire lorsqu’elle a éliminé le seul adversaire crédible à l’outsider Macron candidat de la Banque .

  11. C’est vrai que cette justice est complètement corrompue, endoctrinée, soudoyée et partisane.

    • Un livre utile mais qui ne cure pas la plaie. Il pose certes la bonne question: que faire pour restaurer une juste séparation des pouvoirs ? Mais SEULS les justiciables et leurs avocats connaissent l’étendue du mal dont ils ont été victimes. Et en connaissent les causes multiples : évidemment le manque de juges. Mais aussi le manque de contrôle,
      l’impunité et l’irresponsabilité pour leurs fautes : incompétence, et plus grave, juges corrompus et politisés, parjures qui n’appliquent plus la loi.

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