
Le titre est ravageur, la couverture explosive. Le lecteur lambda, épuisé par la déferlante contestataire qui atomise son paradigme, reste sceptique. L’auteur ne lui dit rien qui vaille. Mais quel est donc cet hurluberlu, mi-ingénieur mi-médiéviste, qui ose pénétrer ainsi mon intimité et mettre en cause mon libre arbitre ? Sûrement un de ces apprentis sorciers du complot, investi par une mission sacrée et rédemptrice, voulant nous entraîner dans sa transe socialement destructrice.
La force d’un essai repose avant tout sur son introduction. Laurent Guyénot sait qu’une machine à stigmatiser les protestataires d’un ordre parfois trop bien établi des choses officie désormais à tort et à travers. Pour aguicher notre confiance, il s’évertue à contextualiser son approche au travers d’une narration fluide mais maîtrisée. Nous voilà rassurés ! Mais la mission qu’il s’assigne est délicate : plonger dans les abysses de « l’histoire profonde ».
Son point de vue « nécessairement révisionniste » nous éclaire au travers du prisme d’un stratagème selon lui très en vogue : les « attentats sous fausse bannière ». De l’incendie du Reichstag en 1933 à l’explosion de la gare de Bologne en 1980, nombreuses furent ces opérations un peu trop spéciales, conduites par un camp afin d’en accuser un autre. C’est la Fabrication de l’ennemi si chère à Pierre Conesa. Fascistes !
Durant le demi-siècle passé, ces subterfuges machiavéliques auraient également été l’apanage de nos démocraties. Celles-ci excluant de facto toute mobilisation impériale, « comment provoquer l’incident qui justifiera des représailles ? » L’auteur est de ces convaincus : pour Pearl Harbor, Roosevelt savait. Nous sommes tous des Américains.
L’ouvrage s’attaque donc aux deux événements géostratégiques majeurs, pivots de l’histoire contemporaine : l’assassinat de JFK et les attentats du 11 septembre. Il reprend alors peu ou prou la thèse développée par Marc Dugain dans La Malédiction d’Edgar et celle de Thierry Meyssan pour ce qui est du World Trade Center. Ah, sacré « Frenchies » !
Dans ce melting-pot d’une triste cohérence se dévoilent les mêmes silhouettes, encore et encore. Il y a le clan Bush, bien sûr, mais aussi les Dulles, Robert McNamara, Richard Helms, Kissinger et son acolyte Brzezińksi, le lobby cubain anticastriste et les républiques bananières. Presque aucune liste ne saurait être exhaustive. Jusque-là, rien de nouveau, me direz-vous. Ce qu’on appelle sournoisement du réchauffé.
Cependant, Laurent Guyénot fait preuve d’un académisme peu commun dans sa nébuleuse littéraire. Il n’oublie, au passage, aucun cador de l’investigation, de Seymour Hersh à Gordon Thomas. Ses « fuites de l’histoire » font mouche à coup sûr. Tout est là, devant nos yeux ! Enivré de confiance, il s’aventure sur des sentiers glissants en donnant une interprétation religieuse peu convaincante - et qui n’a pas lieu d’être - au rôle géopolitique prépondérant d’Israël sur l’échiquier international. Le doctorat en théologie fait défaut dans un CV pourtant bien étoffé.
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