
Il y a de ces mots qui se mettent à devenir, sans qu'on ne sache trop pourquoi, ambigus, polémiques, répréhensibles. On les pèse avant de les invoquer. Civilisation devient de ceux-là. Sa seule évocation dérange. Remettre en cause l'idée selon laquelle toutes les civilisations ne se valent pas est aujourd'hui assimilable, sinon à du racisme, au moins à de la fronde. On a tôt fait d'être étiqueté déviant. En attendant, beaucoup s'interrogent, quand d'autres jugent, invectivent et étiquettent. Toute préférence devient suspectée de diminuer une autre. On accuse de hiérarchiser. Il faut croire qu'il est plus confortable de juger quand on a les yeux bandés.
C'est cet unanimisme hystérique qui prête au doute et à la marginalité. Ça fait longtemps que Renaud Camus alerte. Souvent sous le feu des critiques. Sa France est sombre, donc enragée. Téméraire, il possède surtout l'art du mot juste. Il les crée et les distille pour mieux figer un sentiment, partager une oppression. Il ne fait d'ailleurs pas du Grand Remplacement un concept, une morale, mais une constatation. Amère et définitive. Pour dénoncer l'atmosphère idéologique dans laquelle nous sommes embourbés, il conceptualise le « faussel » : un « double inversé du réel » où règne le faux. Non seulement les Français n'osent pas se révolter, mais ce qui semble le préoccuper plus encore, c'est qu'ils ne semblent pas oser penser ce qu'ils sont tentés de penser. Ce « suicide d'une nation » dénonce les raisons et les conséquences d'une culture et d'une identité qui tendent à s'effacer.
La sociologie couvre une sombre et pernicieuse responsabilité dans le délitement des réalités. L'avantage de la statistique, c'est que, sous couvert de l'objectivité du chiffre, on peut prouver ce que l'on souhaite, tout en dissimulant ce que l'on veut taire. Que n'a-t-on pas dit, permis, sous couvert de la « science des réalités » ? On a ainsi pu certifier que le niveau scolaire progressait. Qu'universaliser le bac relèverait le niveau général. La démocratisation de la « culture » supposée nous élever. Autant d'« avancées égalisatrices » présentées en « évolutions ». On serait plutôt enclins d'y lire des aveux de régression. Comme toujours, à force de niveler, c'est vers le bas qu'on tend.
La majorité des entreprises visant à la soumission d'un peuple l'ont été par la destruction de ses élites. Aucun massacre à déplorer en France, juste la mise au pas de générations d'esprits. Le souci de l'ordre technico-marchand est d'aliéner en douceur. « Plus les individus sont déculturés, plus ils sont désindividualisés, hébétés, robotisés, délocalisables à merci, interchangeables, remplaçables. » Le « remplaçant » se doit de présenter toutes les garanties de flexibilité, pour devenir labellisé, standard. On broie les particularismes pour atteindre un internationalisme prolétarien. L'indistinct partout, la pensée nulle part. Mais qui peut s'en réjouir ?
On s'habitue sans déchirement au pire : la machine décérébrante n'a peut être jamais, dans l'histoire de notre pays, fonctionné à pareille cadence. Partout on prêche la liberté, mais qu'existe-t-il de plus avilissant que la bêtise ?
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