C’est un chiffre qui résume tout : entre 2007 et 2014, le nombre d’Européens au chômage depuis plus d’un an a doublé pour s’établir à 12,1 millions, dont 9,5 millions en eurozone. 61 % d’entre eux sont sans emploi depuis au moins deux ans. Au-delà de trois ans, seuls 15 % parviendront à se faire réembaucher. Le constat est d’autant plus alarmant qu’on estime que 75 % des chômeurs de longue durée (plus d’un an) de l’Union européenne ne touchent pas d’allocation chômage et que 30 % ne sont même pas enregistrés. Invisibles. Oubliés des statistiques et des politiques. En France, le taux de chômeurs longue durée s’élève désormais à 43 %, contre 30 % en 2009. Il est de 50 % en Espagne, 57 % en Italie, 73 % en Grèce et… 60 % en Irlande, dont on nous vante tant la reprise.
Face à ce marasme, la Commission européenne prépare un plan visant à réduire leur nombre d’au moins 5 millions, via des recommandations - ressemblant furieusement à celles déjà émises en 2008 - suggérées par un rapport des experts indépendants du Réseau européen de politique sociale (ESPN) rendu le 7 septembre dernier, qui fleure bon la technocratie lyophilisée. Ils préconisent de « mettre en place une stratégie concrète destinée à prévenir le chômage de longue durée » (il ne faut pas être grand clerc pour en arriver à de telles conclusions), « investir dans l’emploi et la formation » (il serait temps), mieux coordonner services pour l’emploi et services sociaux (ça coule de source), « maintenir les prestations de revenu à un niveau approprié » (ça peut aider à survivre), élaborer des « contrats d’intégration personnalisés » et une évaluation individuelle des quelque 24 millions de chômeurs de l’Union européenne (là, on rigole franchement, surtout si c’est Pôle emploi et consorts qui s’y collent).
Selon Isabelle Maquet, chef d'unité adjointe à l'analyse sociale de la Commission européenne, les actifs peu qualifiés, les jeunes et les étrangers sont les plus exposés. Une raison supplémentaire de douter de l’impact économique positif des migrants qu’on essaie de nous faire gober. Le chômage de masse est évidemment un boulet pour la croissance européenne : « Tant que le nombre de demandeurs d’emploi reste élevé, il n’y a pas de franche hausse de salaires et donc pas de véritable redémarrage de la consommation », souligne Jessica Hinds, de Capital Economics. La confédération Oxfam s’inquiète de l’accroissement inexorable des inégalités dans une Europe qui compte 123 millions de citoyens au bord du seuil de pauvreté (contre 116 en 2008) et 50 millions traversant des difficultés pécuniaires majeures, où 1 % des plus nantis possèdent le tiers des richesses totales, où la fraude et l’évasion fiscale constituent un manque à gagner de 1.000 milliards d’euros par an. Si rien ne change, 15 à 25 millions de pauvres en plus sont à prévoir dans dix ans.
Comment convaincre les entreprises d’engager des chômeurs de longue durée, souvent perçus comme profiteurs ou déconnectés du monde du travail ? Par des incitations financières, une meilleure collaboration entre les recruteurs et les agences pour l’emploi, ou encore des formations adéquates, généralement attribuées à ceux qui en ont le moins besoin. Cette semaine, Michel Sapin a décidé de repousser de trois mois les baisses de charges sur les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC, initialement prévues pour janvier prochain ; une énième preuve de l’amateurisme d’un gouvernement versatile incapable d’inverser la courbe.
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