Note de BV. Le site NewsGuard, qui évalue la crédibilité des médias en ligne, nous a adressé cette remarque : « Un article de janvier 2022 intitulé “Les Russes ne vont pas partir à la conquête de l’Europe”, qui était encore en ligne en octobre 2023 sans être corrigé, affirmait : “Certes, les Russes ont mis la main sur la Crimée et en partie sur le Donbass (...) L’annexion de la Crimée n’est pas illégitime ; le référendum de 2014 l’a d’ailleurs prouvé”. L'article faisait référence au référendum de mars 2014 sur le statut de la Crimée après que des troupes soutenues par la Russie ont pris le contrôle des installations gouvernementales sur la péninsule de Crimée. Les résultats du référendum ont été largement favorables à l'adhésion de la péninsule à la Russie. Le gouvernement russe a depuis lors affirmé à tort que la Crimée avait légalement rejoint la Russie parce que le référendum avait été organisé dans le respect du droit international.

Cependant, le référendum n'était pas légitime et, par conséquent, la plupart des pays ne reconnaissent pas la Crimée comme une partie de la Russie. L'Assemblée des Nations unies a déclaré le référendum et son résultat illégitimes pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le référendum n'a pas donné à tous les citoyens ukrainiens le droit de voter sur le statut de la Crimée, en violation de la constitution ukrainienne, qui exige que toute modification du territoire de l'Ukraine soit approuvée par un référendum de tous les électeurs ukrainiens éligibles. Par ailleurs, les options proposées sur le bulletin de vote excluaient la possibilité pour la Crimée de maintenir le statu quo et de continuer à faire partie de l'Ukraine. Les deux seules options étaient soit de rejoindre la Russie, soit de revenir à la constitution de 1992, qui accordait à la péninsule une autonomie importante. De plus, le droit international ne reconnaît pas un référendum organisé dans le cadre d'une agression armée ».

L'article. Chaque fois que l'on évoque la pertinence de l’existence de l’OTAN alors que la menace soviétique a disparu, on oublie une chose importante. Il n’y a pas d’unanimité parmi les alliés à ce sujet. Les pays de l’Est européen conservent une mémoire cuisante de leurs relations avec leur grand voisin qui, dans l’Histoire, n’a pas attendu les communistes pour leur faire des misères. Un demi-siècle d’occupation étrangère tyrannique récente les a rendus méfiants ; et trente ans de relative démocratie russe leur paraissent insuffisants pour accorder une confiance totale. On peut les comprendre. Là est tout entière la dichotomie entre eux et nous. On peut estimer leur crainte exagérée, mais elle existe. Alors ne soyons pas surpris que, dans la recherche d’allié rassurant, ils préfèrent toujours l’OTAN, donc les États-Unis, même si leur engagement paraît moins assuré qu’il le fut. Qu’y a-t-il à proposer en échange ? Personne ne pense que l’Europe telle qu’elle se présente actuellement peut être une alternative crédible.

Cela écrit et gardé en mémoire, l’agitation actuelle autour de la situation à la frontière est de l’Ukraine paraît bien artificielle. Certes, les Russes ont mis la main sur la Crimée et en partie sur le Donbass. Nous, Français, qui donnons des leçons au monde entier et exaltons le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, nous aurions dû remarquer que ces deux régions sont très majoritairement peuplées de Russes. En outre, la Crimée abrite la seule base russe sur la mer Noire, et au-delà « sur » la Méditerranée. Imaginer que les Russes allaient s’en priver n’est pas raisonnable.

En fait, la situation me paraît assez simple, vue du côté français. L’annexion de la Crimée n’est pas illégitime ; le référendum de 2014 l’a d’ailleurs prouvé. Une autonomie du Donbass pourrait être acceptée par l’Ukraine pour les mêmes raisons. Aucun allié de l’OTAN - qui est, faut-il encore le rappeler, une alliance défensive - n’est menacé. L’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN et j’espère que cette situation durera. Il n’y a donc pas de raison de s’exciter particulièrement à son sujet. Les Russes ne vont pas partir à la conquête de l’Europe ; pourquoi le feraient-ils ? Le prosélytisme communiste est mort. Éventuellement, la puissance de l’OTAN, grâce surtout aux USA, suffirait à l’en dissuader. Les petits bruits de petites bottes qui surgissent ici ou là sont dérisoires. Quand on voit que même le Danemark, au budget défense anecdotique, s’y met, il y a de quoi rire ! Tout le confetti européen s’agite un peu pour se donner l’impression d’avoir un impact quelconque sur la situation : quatre avions ici, dix blindés là, une frégate plus loin… Cela plaît à notre Président, pour quelques mois tête symbolique sans pouvoir de l’Union européenne.

Les contraintes économiques qui existent en Europe, dans le domaine énergétique en particulier, devraient aussi nous inciter à ne pas en faire plus qu’il n’est nécessaire. Pour entraîner notre soutien à leur politique dans cette affaire, les Américains envisagent de compenser d’éventuelles ruptures d’approvisionnement de gaz russe. Accessoirement, pour nous Français, on peut noter que ce serait une incidente cocasse que nous importions du gaz américain produit à partir de schistes bitumineux dont nous avons d’importants gisements et dont vertueusement nous proscrivons l’exploitation pour plaire à nos écolos.

Je ne comprends pas la politique systématiquement hostile des Américains vis-à-vis de la Russie qui n’est pourtant plus de taille à les inquiéter ; et en regard, la tolérance vis-à-vis de la Turquie qui est une vraie menace. À cet égard, je ne vois pas de différence entre M. Trump et M. Biden. L’avenir à moyen terme est suffisamment sombre avec la montée en puissance de la Chine. Quel intérêt y a-t-il à pousser les Russes dans les bras des Chinois ? Les Européens feraient bien de se souvenir que la Russie est en Europe, et de considérer l’atout qu’elle représente dans la lutte contre l’islamisme montant. On peut entendre M. Poutine même si on pense qu’il exagère lui aussi lorsqu’il dit craindre pour la sécurité de son pays du fait du rapprochement des « frontières » de l’OTAN. Il n’y a pas, jusqu’ici, de posture agressive de l’OTAN. Le statu quo me paraît sage. Qui veut, d’ailleurs, risquer le pire en volant au secours de l’Ukraine qui n’est pas non plus un modèle démocratique ? Encore une fois, le bons sens ne plaide pas pour un renversement d’alliance ; par contre, il plaide pour un sain équilibre. Arrêtons de jouer les tartarins ; il n’y a pas d’enjeu vital pour nous.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 12/10/2023 à 19:11.

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31 janvier 2022 à 18:50

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