Dans les années 1970, la mode soixante-huitarde de l’inversion des valeurs prenait son envol dans l’ambiance confortable des années « Pompidou ». Michel Fugain, avec beaucoup de talent, chantait l’anarchisme sympathique et déjà « écolo » avec le Big Bazar. C’était la fête, où « rien n’avait plus d’importance », « comme si l’on devait mourir demain ». Mais c’est le vieux monde qui allait mourir, puisque demain tout allait aussi commencer. Ses chansonnettes entraînantes célébraient la libération des contraintes, rythmaient une joyeuse apologie du désordre. C’était agréable à entendre bien qu’un peu niais. Fugain, c’était le Foucault des midinettes.
On peut y voir le témoignage de l’illusion gauchiste qui plane sur notre pays depuis et qu’on retrouve dans l’atmosphère de Nuit debout, place de la République, jusqu’à ce que les gentils bavardages laissent place aux méchants lancers de pavés sur la police. « Les gentils et les méchants », c’était d’ailleurs une chanson de Fugain, qui inversait habilement les deux groupes. Les gentils ressemblaient beaucoup à des conformistes, faisaient des économies, étaient « travail-famille-patrie », et finalement assez antipathiques. Les méchants gaspillaient leur argent, faisaient l’amour n’importe quand. Ils suscitaient un gros penchant chez les jeunes bobos d’alors.
En fait, cette chanson illustre assez bien l’affrontement qui aura marqué le mandat de François Hollande et souligné la préférence idéologique des grands médias pour les « méchants » si gentils. Au début, les gentils occupent la rue pour protester contre le mariage unisexe. La mobilisation est considérable à plusieurs reprises. C’est la France des provinces et des familles qui débarque à Paris dans une ambiance sereine et bon enfant et défile pacifiquement. Ils veulent sauver la famille traditionnelle qui lie un homme et une femme en vue de donner un père et une mère aux enfants. On cherchera vainement un slogan agressif ou un mouvement violent. La police a des consignes strictes. Elle n’évite pas les tensions. J’ai dû m’interposer lorsque, sur un trottoir des Champs-Élysées, des policiers voulaient s’en prendre à des jeunes qui… chantaient "La Marseillaise".
Les médias ont minimisé l’importance des rassemblements en opposant les chiffres des organisateurs à ceux de la préfecture. L’incroyable mépris du gouvernement pour cette mobilisation exceptionnelle n’a pas été stigmatisé. Le groupe de pression dominant a rapidement évacué la question, une fois ce texte aberrant voté.
Quant à la Manif pour tous, elle a changé de présidente, laquelle était portée au compromis, et se compromet, avec la nouvelle, dans des copinages politiques peu fiables. Quel gâchis de bonne volonté et d’esprit créatif, pas si fréquent à droite ! Des trouvailles symboliques toujours empreintes d’intelligence et de dignité ont peu à peu sombré dans l’indifférence médiatique : des Veilleurs montant la garde, immobiles et silencieux face à la Chancellerie, des Mères veilleuses, des soirées de débats et de lectures. Les gentils, les conservateurs, en un mot, ont été, comme toujours, trop gentils. Ils ont subi une défaite de plus. Ils en ont l’habitude, même lorsque ceux pour qui ils votent sont au pouvoir.
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