La révolution serait-elle en marche dans les prétoires ?

Ce mouvement inédit dans l’histoire du barreau – on n’avait jamais vu 100 % des barreaux en grève en même temps ! - révèle un malaise profond de notre profession. Protestation corporatiste provoquée par une réforme scandaleuse et ignorante de la réalité économique de la très grande majorité du barreau français, au moment où les avocats doivent essuyer les plâtres de la dernière réforme de la justice qui les confronte à des difficultés d’application qu’ils découvrent chaque jour plus nombreuses.

La réforme des retraites fait redouter une disparition d’une partie des nôtres ; car c’est de cela qu’il s’agit. Disparition que le pouvoir ne voit peut-être pas d’un mauvais œil, tant les avocats sont des empêcheurs de bureaucratiser en paix ! Quitte, demain, à proposer un statut de fonctionnaires privés d’indépendance à ceux qu’elle aura étouffés. Serait-ce son objectif secret ?

Alors que MM. Macron et Philippe prétendent mener une réforme de justice sociale, ce sont les titulaires des revenus les plus faibles qui vont subir la multiplication par deux de leurs cotisations et la baisse de leurs pensions ! Les revenus les plus élevés seraient les grands gagnants du nouveau système… Cet effet immédiat n’est pas le seul qui provoque notre ire…

Il y a aussi la volonté de faire disparaître notre régime autonome au nom de l’universalité et de la suppression des régimes spéciaux. Le régime des avocats n’est pas un régime spécial. Il est géré de manière indépendante, efficace, économique, prudente et pertinente par notre caisse professionnelle, la CNBF (Caisse nationale des barreaux français), sans rien devoir à la communauté nationale.

Qu’y a-t-il de juste dans le fait de traiter par principe les avocats dans le même régime que les salariés et les fonctionnaires ? La CNBF participe à la solidarité nationale à hauteur de plus de 80.000.000 € par an, soit plus 1.350 € par avocat chaque année !

Qu’y a-t-il de juste à assimiler aux salariés et aux fonctionnaires une profession libérale qui ne compte pas ses heures, qui se paye ses congés, qui ne sollicite pas la communauté pour financer son régime de retraite et qui ne demande rien à la solidarité nationale ?

L’universalité ne peut pas avoir pour objet d’intégrer dans un même régime des personnes dont les statuts n’ont rien à voir ! Ou alors c’est qu’elle cache une volonté uniformisatrice de notre société, réductrice de toutes différences dans une perspective de nature fondamentalement totalitaire qui est la caractéristique du socialisme dont le pouvoir est censé s’éloigner et qui, paradoxe supplémentaire, a été porté par tant d’avocats depuis les années 80 !

En clair, une réforme de principe destructrice de toute diversité… qui me fait penser à Charlot coupant les morceaux de vêtements qui dépassent de sa valise qu’il vient de fermer dans l’empressement de son départ…

Il ne fait plus de doute que le gouvernement devra reculer, compte tenu de la détermination de la profession, prête à tout mettre en œuvre (c’est la rançon de la colère) pour obtenir la suppression de l’intégration dans le régime universel. Mais quand ? À quelles conditions ? Dans quels termes ? L’avenir le dira. Le bras de fer est engagé.

Il est, en revanche, certain que ce ne sera pas grâce à Me Belloubet qu’une solution émergera, tant elle a accumulé maladresses, mépris et méconnaissance de la sociologie du monde judiciaire...

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19 janvier 2020 à 10:04

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