Les Britanniques, une fois encore, nous donnent une leçon. La naissance du royal baby fait partie du grand spectacle monarchique, coups de canon et dignité compris. Si on s’en tient au spectacle, celui des Windsor a une sacrée gueule. Avec honnêteté, il nous faut d’ailleurs reconnaître que la politique française, toute républicaine qu’elle est, est aussi un spectacle. Il n’a toutefois pas la même qualité.
Le couple royal est une sorte de modèle de toutes les familles du royaume. Il se doit d’être exemplaire. Lorsqu’une crise l’atteint, cela devient un drame national. Son existence rassurante a peut-être facilité l’évolution juridique du mariage dans des monarchies où l’on pense sans doute que des cas exceptionnels n’entament en rien l’institution.
En France, la remise en cause de l’institution matrimoniale donne le sentiment que tout s’écroule parce qu’aucune digue, même symbolique, ne s’y oppose. Le spectacle des couples présidentiels français est affligeant entre la bigamie de l’un, la concubine de l’autre et les alternances passionnelles du troisième dont on a pu savoir – quelle joie ! — qu’elles pouvaient être « sérieuses ». Du vaudeville !
On en arrive à ce paradoxe que le spectacle politique peut-être efficace à condition d’être de qualité. Face aux nazis, le roi d’Angleterre, la reine des Pays-Bas règnent et ne gouvernent pas, mais ils incarnent à travers leur résistance la continuité nationale. L’exploit du Général de Gaulle d’avoir restauré une légitimité pour laquelle il n’avait aucun titre n’a pu masquer un flottement institutionnel dont la France porte encore la trace.
Le Général voulait un Président qui fût à la fois le garant de la poursuite des grandes politiques nationales et l’incarnation de la nation. Un Président dont la candidature est déterminée par une formation politique, qui est élu par une faible avance en voix — quasiment en même temps qu’une majorité parlementaire — et pour cinq ans n’est rien de tel ! C’est l’homme d’un parti. Pour peu que ses décisions soient chargées d’idéologie, il génère un climat de guerre civile larvée qui est préjudiciable à la confiance et donc à la marche du pays.
Un chef d’État sans pouvoir, réduit à des « gestes », peut donc paradoxalement avoir sur la réalité un rôle plus déterminant que le véritable détenteur du pouvoir. La Belgique ne tient que par son roi. Le roi d’Espagne a su assurer la délicate transition entre le franquisme et la démocratie. Il est probable que son retrait en faveur de son héritier aurait un effet cathartique sur le pays.
Sans cette efficience politique du symbole, le spectacle risque de n’être plus qu’un jeu illusoire. Afin de masquer l’absence de résultats d’une politique, les gouvernants « réels » sont amenés à se livrer à une frénésie de communications mensongères. Il n’est pas de fait divers qui n’ait suscité de tentation législative...
Il n’y a pas de politique sans spectacle car la psychologie collective le réclame. De sa qualité symbolique dépend son poids sur le réel ou il risque de n’être qu’opium du peuple et poudre de perlimpinpin. C’est la leçon anglaise !
Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 30/06/2023 à 18:56.