Après Le Parisien, c’est au tour des Échos de publier un article annonçant la réussite de l’expérience américaine de légalisation du cannabis. Je dis « annonçant » car, étant tout de même sérieux, le journal est bien obligé de rendre compte que ces avantages se limitent à « ça rapporte », chose dont nous n’avions d’ailleurs jamais douté.

Le Colorado est le premier État américain à avoir légalisé le commerce de la marijuana "à usage récréatif", il y a un peu plus de deux ans. De quoi faire un premier bilan.

D’abord, et c'est le plus "important" bien sûr, grâce à cette légalisation, l’argent entre à flot dans les caisses de l’État : 200 millions de dollars « alloués depuis à des causes d’intérêt général comme l’éducation, la santé… », nous assure-t-on, comme s’il y avait là quelque chose d’extraordinaire. Encore heureux puisque, a priori,, c’est précisément à ça que doivent servir les recettes publiques. Ensuite, les choses deviennent un petit peu plus nuancées. Oh, il est bien fait mention du "tourisme festif" qui attire les consommateurs d'un peu partout, mais il n’échappera à personne que cet avantage ne vaudra que tant que le Colorado sera un des seuls États à appliquer un régime aussi libéral (ils sont huit, aux États-Unis…).

Le reste ne sera que relativisation des inconvénients nettement plus nombreux, et encore sont-ils loin des tous les citer.

En premier lieu, on apprend que la consommation des jeunes n’a pas trop augmenté (quelques dixièmes de pourcent), c’est déjà ça, mais enfin, elle n'a pas baissé non plus. Et puis, elle a seulement grimpé de quelques pourcents chez les adultes ; et on passe de 7 à 12 pourcents chez les plus de 26 ans, presque le double, tout de même, mais bon, n’oublions jamais les 200 millions. Oh, et puis, « un incident, une bêtise », comme dit la chanson, juste un petit problème qui ne mérite pas que vous vous en inquiétiez… Vous voulez vraiment savoir ? Rien de bien méchant : une augmentation de 150 % des intoxications au cannabis chez les jeunes enfants à cause des gâteaux et bonbons bourrés de THC qu’on vend depuis la légalisation… Ah, et puis, aussi, les habitants d’un patelin qui ne peuvent plus boire l’eau du robinet ni se laver à cause d’une concentration trop forte en THC dans l’eau.

L’article se termine étrangement sur ce constat un peu plus mitigé que ce que les première lignes ne le laissaient espérer. Il y avait pourtant de quoi noircir du papier.

D’après Serge Lebigot, président de Parents contre la drogue, dans un entretien donné récemment à l’IPJ (Institut pour la Justice), les cas d’admission aux urgences d’overdose de mineurs (à qui la vente est pourtant toujours interdite) ont augmenté de 50 %. Quant aux trafiquants censés, d’après les prédictions radieuses des partisans de la légalisation, être désormais réduits à faire la manche, ils se sont fort bien adaptés : profitant du sanctuaire Colorado, ils y cultivent leur cannabis et l’exportent soit en dehors du territoire, soit à des gens à qui la vente est toujours interdite. En outre, ils bradent l’héroïne, la vendant parfois au même prix que le cannabis, dans le but de se reconstituer une clientèle captive, d’où une recrudescence de cette drogue aux États-Unis.

On voit, d’ailleurs, la même chose à Paris dans le quartier de la fameuse salle de shoot : les dealers se postent tout simplement dans la zone de non-droit qui entoure de sa bienveillance le local, les consommateurs viennent acheter puis entrent dans la salle pour consommer. Marges plus faibles peut-être, mais risques réduits à néant et recettes probablement tout aussi importantes, donc très bonne opération sur le plan comptable. On ne mentionnera évidemment pas la détérioration de la sécurité dans ce quartier autrefois paisible qui voit des bagarres éclater constamment.

Tant que ça rapporte…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:34.

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18 avril 2017 à 23:50

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