Le pape va accueillir 50 migrants : les partisans de l’immigration sont béats d’admiration

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À l'occasion du voyage que le pape entreprend à Chypre, puis en Grèce, à partir du 2 décembre, le journal La Croix a accordé un entretien au sociologue François Héran, titulaire de la chaire Migration et Société au Collège de France. Cet éminent professeur, du moins si l'on en juge par son cursus universitaire, fait l'éloge de la position du pape François sur l'immigration. Faut-il s'en étonner, de la part d'un chercheur qui déclarait, dans Télérama, le 19 octobre 2020, que « sans les immigrés, notre pays ne tiendrait pas longtemps » ? Il considère que, sur cette question, « le pape fait preuve d'une grande constance ».

Il faut dire que le pape François a annoncé son intention d'accueillir, à Rome, une cinquantaine de demandeurs d'asile. En 2016, rappelez-vous, il avait déjà emmené à bord de son avion douze réfugiés syriens qui vivaient à Lesbos – des musulmans, car les chrétiens « n'avaient pas les papiers en règle ». Pour François Héran, « il est fidèle à son orientation, aux valeurs chrétiennes d’hospitalité et d’accueil qui sont inscrites dans l’Évangile : “J’étais étranger et vous m’avez accueilli.” (Mt. 25,35) ». Il n'est pas certain que le Christ fit alors allusion au problème de l'immigration, tel que nous le connaissons actuellement, mais passons : reprendre sa parole, qu'on soit ou non croyant, donne du crédit.

Notre sociologue, qui doit lire dans les pensées du pape, estime aussi que ce geste se veut une leçon politique et morale : « C’est un message adressé aux pays comme la France ou la Grande-Bretagne qui ne prennent pas leur part d’exilés sur leur sol et laissent les plus petits pays face à leurs difficultés. » Il concède qu'il pourrait « heurter certaines sensibilités politiques », notamment en France où l’immigration sera « un sujet majeur de la prochaine élection présidentielle ». On y trouve, en effet, de nombreuses résistances, « y compris dans les milieux catholiques conservateurs voire intégristes ». Voilà qui doit plaire au journal La Croix !

Il ajoute que beaucoup des militants qui s'engagent dans l'aide aux migrants citent le pape en exemple, se réjouissant que, contrairement à la politique familiale de l'Église souvent contestée, « la question des migrants mobilise beaucoup de catholiques ». Si l'on comprend bien, certaines leçons du pape méritent d'être suivies, d'autres non. On s'en recommande si elles vont dans le bon sens, sinon on les réprouve. Parle-t-il de la famille ou de l'avortement, de la « culture du rejet », on se bouche les oreilles devant cet affreux réactionnaire. C'est, si l'on ose dire, une auberge espagnole où chacun prend ce qui lui plaît.

Plutôt que de pratiquer cette discrimination, mieux vaudrait se demander à quel titre le pape s'exprime. Quand il parle de la protection de la vie, il assume sa fonction et confirme l'enseignement constant de l'Église. Quand il parle d'immigration, sa parole paraît moins celle d'un apôtre que celle d'un politicien. S'il venait personnellement en aide à quelques migrants, sans le clamer sur les toits, il ferait preuve d'une charité incontestable. Mais quand il en fait l'annonce et donne la leçon, on peut s'interroger sur ses intentions. Quand on fait de la communication sur l'aide aux migrants, ne ressemble-t-on pas à un démagogue, jouant un peu le pharisien et oubliant que « l’humilité », comme le disait saint Augustin, « est le fondement de toutes les autres vertus » ?

 

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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